Kadidjatou, surprendre malgré le handicap

Niger : Kadidjatou, surprendre malgré le handicap

Kadidjatou a 44 ans et est mère de 4 enfants. Alors qu’elle n’avait que deux ans, elle perd l’usage de ses deux jambes des suites de la poliomyélite. Quelques années plus tard, elle se lance dans l’apprentissage de la couture et s’initie au sport paralympique, décidée à être utile à la société. Aujourd’hui, cette championne dans les stades et dans la vie s’emploie à lutter contre le Covid-19 à nos côtés. Voici son histoire.
Article 09 septembre 2020 Niger

Je m'appelle Kadidjatou Amadou Salifou. J'ai perdu l'usage de mes jambes après avoir contracté la poliomyélite. J'avais deux ans lorsque c'est arrivé. C'est un miracle que je sois vivante. À l'époque, la maladie était méconnue et assimilée à une malédiction.

Kadidjatou, dans son atelier. CICR

J'ai passé plusieurs mois entre l'Hôpital national de Niamey et celui de Lomé au Togo, avant de rentrer à la maison poursuivre des séances de kinésithérapie. Je me traînais par terre mais je refusais de rester enfermée entre les quatre murs de la maison familiale. Je n'avais pas beaucoup d'amis pour jouer. Au moins, je rêvais d'une vie « normale », debout et capable de faire quelques pas. Je refusais d'être anéantie physiquement et psychologiquement. Je n'arrêtais pas de me dire : « Et maintenant, que faire ? » Je savais que ma famille attendait beaucoup de moi.

Je vais continuer à surprendre

Pour m'aider, mon père m'a acheté une paire de béquilles avec ses rares économies. Chaque matin, je m'installais devant la maison et je passais des journées entières à regarder défiler les gens, les voitures, la vie. Cette vie dont je me refusais d'être exclue.

Dans le quartier, les gens ne savaient pas encore ce qu'était la poliomyélite. Je percevais souvent de la pitié lorsqu'ils parlaient de moi ou de mon handicap. L'école était devenue un enfer. Je ne supportais plus les railleries de mes camarades. Je voulais arrêter. À 15 ans, j'ai quitté l'école.

Par la suite, je me suis inscrite dans un atelier de formation pour les personnes vivant avec un handicap. J'ai opté pour la couture. J'étais heureuse d'être là car je découvrais pour la première fois un milieu où je n'inspirais aucune pitié.
Après mon diplôme de couture, on m'a donné une machine. J'ai mis un certain temps à me perfectionner mais j'y suis parvenue. Puis j'ai tenté ma chance et j'ai ouvert mon propre atelier. C'était incroyable : je confectionnais des articles pour femmes et enfants, mais je formais aussi gratuitement d'autres personnes handicapées.

Après avoir été formée à la confection de masques artisanaux, Kadidjatou forme à son tour d'autres femmes. CICR

Récemment, avec d'autres femmes handicapées, j'ai été formée par le CICR pour confectionner des masques artisanaux. À moi seule, j'en ai fait plus de 4 000. Aujourd'hui, je reçois de nombreuses commandes de clients de partout dans le pays.
À mon tour, j'ai formé plus d'une vingtaine de femmes handicapées dans la confection et la production de masques artisanaux. Et je continuerai à partager, à former.

Aujourd'hui, en plus de ses talents de couturière, Kadidjatou est une championne. Elle excelle dans des disciplines sportives telles que l'haltérophilie, le lancer de javelot, le tennis de table, la course en fauteuil roulant. Elle a décroché avec brio des médailles en or, argent et bronze lors des nombreuses compétitions régionales et internationales dans lesquelles elle a représenté le Niger.

En coopération avec les équipes du CICR, elle s'emploie aujourd'hui à lutter contre la pandémie et promouvoir l'inclusion socio-économique des personnes handicapées. À ce jour, elle a confectionné 4 000 masques artisanaux et formé 22 personnes. En tout, le programme a permis de former plus de 250 personnes handicapées, majoritairement des femmes, à la fabrication de masques en tissu.

Le CICR facilite l'inclusion des personnes handicapées au sein de leur communauté en leur proposant des formations professionnelles, des microcrédits pour monter de petites entreprises, des programmes sportifs comme le basket en fauteuil roulant, le volley-ball assis, l'athlétisme et d'autres activités récréatives.

 

Quelques faits sur le programme de réadaptation du CICR

  • Beaucoup de bénéficiaires du CICR doivent leur handicap en raison de blessures infligées par des restes explosifs de guerre, des armes à feu ou des armes blanches. L'institution soutient la réadaptation physique et l'inclusion des personnes handicapées dans la société même si la cause du handicap n'est pas directement liée au conflit.
  • Le CICR a commencé à soutenir les personnes handicapées à Niamey en 2012 en les aidant à retrouver leur mobilité par des services d'appareillage et des séances de kinésithérapie.
  • Il appuie aujourd'hui deux services de réadaptation physique au Niger, l'un dans l'enceinte de l'Hôpital national de Niamey, l'autre dans celui de Zinder. Il soutient les référencements des personnes handicapées provenant de Tillabéry, Diffa, Agadez et Zinder, en coopération avec les sections régionales des associations des personnes handicapées. Il appuie aussi la production de tricycles à Zinder et à Agadez.