Opérations de maintien de la paix, Assemblée générale des Nations Unies, 2014

06 novembre 2014

Assemblée générale des Nations Unies, 69e session, 4ème Commission. Déclaration du CICR, New York, le 31 octobre 2014.

Ces dernières années, les mandats des missions de maintien de la paix sont devenus de plus en plus complexes. Dépassant le traditionnel suivi des accords de paix, les opérations de maintien de la paix couvrent désormais des aspects tels que l’état de droit, les réformes du secteur de la sécurité, l’aide humanitaire et la protection des civils, pour n’en citer que quelques-uns.

De plus en plus, les forces de maintien de la paix sont déployées dans des contextes instables et se voient confier des mandats complexes, en particulier celui de protéger les civils. Dans le cadre de tels mandats, leurs composantes militaire et de police peuvent être appeléesà recourir à la force plus souvent que par le passé, parfois au-delà même de ce qui est autorisé pour leur légitime défense. Cette évolution soulève des questions d’actualité sur le cadre juridique (dont le droit international humanitaire est une composante) qui régit le recours à la force dans ce type de contexte et, d’une manière plus générale, les actions des missions des Nations Unies dotées d’un mandat « robuste ».

L’applicabilité du droit international humanitaire aux forces des Nations Unies, au même titre qu’à n’importe quelles autres forces, est fonction de la situation sur le terrain et des critères juridiques spécifiques découlant des dispositions pertinentes de cette branche du droit, quel que soit le mandat international attribué aux forces des Nations Unies par le Conseil de sécurité. Le CICR estime que la question du mandat et de la légitimité d’une mission des Nations Unies n’a aucune incidence sur l’applicabilité du droit international humanitaire à cette mission. En effet, afin de pouvoir protéger toutes les personnes touchées par un conflit armé, ce corpus de droit s’applique quelles que soient la nature du conflit, son origine ou les causes soutenues par les parties au conflit.

Une fois son applicabilité établie de manière objective, le droit international humanitaire régit sans interruption les opérations militaires menées par les forces des Nations Unies contre la partie adverse (parfois en soutien de l’armée de l’État hôte) aussi longtemps que la mission des Nations Unies est considérée comme partie au conflit armé. Les forces de maintien de la paix – qu’il s’agisse des soldats ou des policiers – peuvent aussi être appelées à accomplir des tâches de maintien de l’ordre au cours de leur mission. À cet égard, le CICR juge important que le personnel des Nations Unies engagé dans des opérations de maintien de l’ordre soit pleinement conscient des règles et normes applicables à ce type de contexte, en particulier des normes des droits de l’homme, et les respecte scrupuleusement.

Le CICR demeure convaincu que les contingents militaires et les forces de police des Nations Unies doivent recevoir une formation et des ressources adéquates et posséder une connaissance suffisante des normes juridiques pertinentes pour s’acquitter efficacement des tâches qui leur sont confiées. Le droit international humanitaire et d’autres branches du droit, notamment les  droits de l’homme, doivent être dûment intégrés dans leur doctrine, leur éducation, leur formation et leurs pratiques. En sa qualité de promoteur et de gardien du droit international humanitaire, le CICR continuera de soutenir la formation des forces de maintien de la paix des Nations Unies en mettant ses compétences à leur service tant avant leur déploiement que sur les théâtres d’opérations.

De plus en plus, il est attendu des missions de maintien de la paix des Nations Unies qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils dans leur zone d’opérations et pour faire en sorte que les parties au conflit respectent le droit international humanitaire. C’est là une tâche extrêmement difficile, surtout lorsque les ressources qui leur sont allouées à cette fin sont insuffisantes. Cela n’en reste pas moins une tâche essentielle pour améliorer le sort des civils. Cette volonté collective de protéger la population civile est encourageante en ce qu’elle contribue à traduire en termes opérationnels l’obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire énoncée à l’article premier commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 – un article dont le contenu est reconnu comme contraignant pour les Nations Unies et les pays pourvoyeurs de contingents.

Le CICR se félicite également de la mise en œuvre des stratégies existantes visant à renforcer la capacité des missions de maintien de la paix des Nations Unies à fournir protection, assistance et secours aux populations civiles touchées par des conflits armés et d’autres situations de violence. Ces stratégies, dont le CICR a suivi avec intérêt la mise en place, représentent une avancée majeure. Il est essentiel qu’elles soient élaborées et mises en œuvre en étroite collaboration avec d’autres organisations humanitaires engagées dans des activités similaires afin de tirer parti des synergies ainsi créées et d’éviter tout risque de confusion entre les différents acteurs présents sur le terrain.

À cet égard, les Standards professionnels pour les activités de protection, dont le CICR a publié une édition révisée en 2013, méritent d’être mentionnés. Reflétant le consensus qui prévaut au sein de la plupart des organisations humanitaires et des agences de défense des droits de l’homme, ils traitent entre autres des relations entre les missions des Nations Unies et les organisations humanitaires. Ils fournissent des indications essentielles sur la répartition des responsabilités, et sont une référence importante pour la gestion des interactions entre les diverses agences et organisations engagées dans des activités de protection. Les missions de maintien de la paix des Nations Unies devraient tenir compte de ces Standards lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies de protection des civils, de sorte que ces stratégies soient le plus efficaces possible.

Compte tenu du caractère pluridimensionnel des opérations de maintien de la paix, il est devenu nécessaire, pour en améliorer la cohérence et l’efficacité, de mettre sur pied des missions « intégrées » des Nations Unies. Ce type de mission porte toutefois en soi le risque de générer une certaine confusion quant à la répartition des rôles et des responsabilités entre les différents acteurs. Les autorités locales, les porteurs d’armes et la population civile doivent pouvoir faire la distinction entre les mandats respectifs des missions intégrées des Nations Unies et des divers acteurs humanitaires présents sur le terrain. Cette distinction est essentielle si nous voulons préserver l’approche neutre, indépendante, impartiale et strictement humanitaire qui a toujours été la nôtre pour fournir protection et assistance aux victimes de conflits armés.

Le CICR est résolu à maintenir et à approfondir, tant à New York que sur le terrain, le dialogue extrêmement constructif qu’il a engagé avec les Nations Unies sur les questions relatives au maintien de la paix – qu’il s’agisse de protection, de questions opérationnelles ou juridiques, ou de formation. Il est également disposé à engager sur ces questions essentielles une discussion franche et ouverte avec les États Membres, notamment les pays pourvoyeurs de contingents et de forces de police, les membres du Conseil de sécurité et ceux du Comité des 34.