De retour chez elle en 2018, après s'être refugiée en brousse, Marie a dû attendre plus d'une année avant de retrouver les moyens de nourrir sa famille.

RDCongo : « Au Kasaï, nous avons tout perdu, sauf la terre »

Trois ans après les violences qui ont ravagé la région du Kasaï, au centre de la République démocratique du Congo (RDC), des milliers de familles peinent toujours à retrouver le cours normal de leur vie. Avec peu d’outils et de semences, ces communautés en majorité cultivatrices ont du mal à rentabiliser les saisons agricoles.
Article 01 février 2021 République démocratique du Congo

De retour chez elle en 2018, après s'être refugiée en brousse à plus de 30 kilomètres, Marie a dû attendre plus d'une année avant de retrouver les moyens de nourrir sa famille. Sa maison et tous ses biens pillés, elle ne pouvait plus travailler la terre. « Des jours, nous dormions affamés », confie-t-elle. Conséquence : ses neuf enfants ont souffert de malnutrition, parfois sévère.

Dans le village de Tshibombi où elle vit, dans la province du Kasaï-Central, les séquelles des dernières violences restent visibles. Et gravées dans la mémoire collective. En dépit de quelques rares nouvelles constructions, des cases incendiées ou abandonnées constituent encore le décor désolant de son environnement. Certains habitants n'ont toujours pas regagné leur domicile et l'économie tourne au ralenti.

Marie, sa fille et son mari en route vers le champ qu'ils exploitent ensemble.
Marie, sa fille et son mari en route vers le champ qu'ils exploitent ensemble. Robert Bilenga / CICR

Quand les habitants ont dû s'enfuir, les champs étaient prêts pour la récolte. Mais tout a été pillé ou détruit. Et Robert Bilenga / CICR L'autre défi, et non le moindre, consiste à se procurer les intrants agricoles pour faire fructifier la terre.

« Même si nous avons tout perdu, nous avons encore la terre », poursuit Marie, sur une note d'espoir. Dans cette contrée, l'agriculture est la principale source de revenus et de nourriture. Le sol, très fertile, produit quantité de légumes, du manioc et du maïs. « Nous avons tout repris à zéro », ajoute-t-elle.

Dans le village de Tshibombi (province du Kasaï-Central), 6 500 familles préalablement enregistrées ont reçu des boutures de manioc dont la multiplication a été assurée sur place.
Dans le village de Tshibombi (province du Kasaï-Central), 6 500 familles préalablement enregistrées ont reçu des boutures de manioc dont la multiplication a été assurée sur place. Robert Bilenga / CICR

Acquérir les bonnes pratiques agricoles

En août 2019, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a initié une assistance dans plusieurs villages de la province, dont celui de Marie. Cette aide, distribuée en plusieurs étapes jusqu'en septembre 2020, a permis à près de 6 500 familles de recevoir des biens de ménage, des vivres, de l'argent liquide, des semences, des boutures de manioc et des outils aratoires.

Les populations se sont alors organisées, certains en cultivant les champs familiaux, d'autres en utilisant des espaces communautaires. « Nous avons commencé par abattre les arbres qui étaient dans les champs et à les brûler. Ensuite, nous avons fait les semis et le sarclage », indique Marie.

Les premières récoltes de manioc se sont montrées satisfaisantes.
Les premières récoltes de manioc se sont montrées satisfaisantes. Robert Bilenga / CICR

Mais les cultivateurs ne maîtrisaient pas tous les bonnes pratiques agricoles. Pour surmonter cet obstacle, le CICR a formé des moniteurs locaux pour renforcer les connaissances de tous. « Nous avons réuni les familles pour qu'elles apprennent comment entretenir les cultures. Nous les accompagnons parfois dans leurs champs », précise Bonaventure Tshibombi, chef du village de Tshibombi. « Nous avons déjà réussi à récolter une bonne quantité de la nouvelle variété de manioc que nous avons semée. »

Marie était l'une des participantes à la formation. « Nous avons appris à respecter un écart lorsque nous semons et à mettre trois graines de maïs dans un poquet », explique-t-elle. « Parce qu'une graine peut pourrir et les autres vont germer. »

Accompagnée de son mari et de sa fille aînée, Marie effectue deux kilomètres pour atteindre les champs. Pour elle, ce n'est pas la distance qui compte mais les résultats : « Aujourd'hui, nous arrivons à manger chaque jour, que ce soit en saison sèche ou pluvieuse, et à gagner un peu d'argent grâce à la vente de nos récoltes. »

Dans la région du Kasaï, qui compte cinq provinces au total, des violences entre les forces nationales de sécurité et une milice locale, doublées de tensions interethniques, ont forcé 1, 4 million de personnes à quitter leurs villes et leurs villages entre 2016 et 2017, selon l'Organisation des Nations unies. Les conséquences humanitaires de ces affrontements restent encore perceptibles à ce jour.