Violence sexuelle : une conséquence dramatique et taboue du conflit au Soudan du Sud

15 avril 2016
Violence sexuelle : une conséquence dramatique et taboue du conflit au Soudan du Sud
© Lynsey Addario / Getty Images Reportage

L'année dernière, un nombre incalculable de viols liés au conflit ont été commis dans des zones de combat au Soudan du Sud.

Grossesses non désirées, exposition au VIH, souffrances physiques, séquelles psychologiques, isolement social, faible probabilité d'accéder au mariage, et, pire encore, mariage forcé avec l'agresseur... Au Soudan du Sud, les conséquences des viols et des autres formes de violence sexuelle sur les victimes – le plus souvent de sexe féminin, mais pas toujours – sont dramatiques et durables. Et même l'âge n'offre aucune protection : le CICR a rencontré une petite victime d'à peine quatre ans.

Quand elles subissent une agression sexuelle, les victimes font tout pour le cacher. Une femme à laquelle le CICR est venue en aide a marché pendant deux jours depuis un camp de réfugiés à Gambella (Éthiopie) jusqu'à un dispensaire dans l'État du Nil supérieur. Elle avait déjà perdu son mari dans le conflit, et avant d'entreprendre ce dur voyage à pied, elle a dû trouver quelqu'un pour s'occuper de ses quatre enfants. Mais par peur d'être accablée d'opprobre, elle n'a voulu dire à personne qu'elle avait été violée.

« La violence sexuelle brise des communautés et détruit les liens familiaux, car elle suscite une grande honte chez les victimes et des niveaux de souffrance psychologique intolérables », explique Aurore Brossault, responsable des questions de santé mentale et de soutien psychosocial à la délégation du CICR au Soudan du Sud. « Comment la relation entre une mère et son enfant peut-elle ne pas changer quand l'enfant a été contraint d'assister au viol de sa mère ? C'est inconcevable ! »

Sexual violence in South Sudan.

© Lynsey Addario / Getty Images Reportage

Même quand la population a accès à une assistance de proximité – ce qui est rare car une grande partie du Soudan du Sud manque de structures médicales opérationnelles –, la discrimination sociale est telle que trop de victimes préfèrent ne pas demander d'aide.

Bon nombre de victimes ne savent pas qu'une assistance médicale peut contribuer à prévenir les maladies et les grossesses non désirées. Elles craignent en outre que la confidentialité ne soit pas respectée. Par ailleurs, il persiste un malentendu chez les victimes et les autorités pour savoir si l'agression doit être signalée à la police avant de solliciter une aide médicale.

L'éducation joue un rôle important pour éviter la stigmatisation. L'année dernière, le CICR a organisé des séances de sensibilisation à la violence sexuelle à l'intention de centaines de Sud-Soudanais, notamment des professionnels de santé, des sages-femmes, des chefs locaux, des officiers de police, des membres de groupes armés, et des volontaires de la Croix-Rouge du Soudan du Sud.

Cette année, le CICR tentera d'aider les communautés à combattre la stigmatisation qui fait obstacle à l'accès aux soins. L'accent sera mis sur l'importance de demander de l'aide le plus rapidement possible. Le CICR fournit un soutien adapté aux besoins des victimes : si une femme signale son agression dans les trois jours, nous pouvons lui fournir un traitement médical de prévention contre le VIH et les maladies sexuellement transmissibles et une contraception d'urgence. Après trois jours, seules les maladies sexuellement transmissibles peuvent être traitées. Un soutien psychosocial est en outre proposé à tout moment.

L'interdiction du viol est l'une des règles relatives à la guerre les plus anciennes et les plus fondamentales. Les Conventions de Genève l'interdisent expressément dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux. La délégation du CICR au Soudan du Sud est en contact avec des groupes armés dans tout le pays pour leur rappeler l'obligation qui leur incombe d'épargner les civils. La violence sexuelle ne doit jamais être utilisée comme tactique lors d'un conflit.

Nous nous efforçons de briser le tabou qui entoure la violence sexuelle et empêche trop de femmes, de filles, d'hommes et de garçons de solliciter l'assistance médicale et psychologique indispensable à leur guérison.