Un nouveau système mondial pour recenser les attaques contre les structures médicales et les personnels de santé

06 juin 2018
Un nouveau système mondial pour recenser les attaques contre les structures médicales et les personnels de santé
Système de surveillance des attaques contre les soins de santé

Un nouveau système de surveillance mondial a recensé 105 attaques commises contre des structures médicales, des personnels de santé ou autres ressources sanitaires au cours du premier trimestre 2018. Dans la mesure où de nombreux pays commencent tout juste à transmettre leurs données, ce chiffre devra sans doute être revu à la hausse. L'outil en ligne, qui a été lancé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en décembre dernier, enregistre les actes et les menaces de violence, ainsi que les entraves qui compromettent la disponibilité ou la fourniture de soins et de services de santé préventifs et curatifs dans les pays touchés par des conflits ou des crises.

Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de Mme Carolyn Briody de l'OMS, qui a été l'une des chevilles ouvrières du Surveillance System for Attacks on Health Care (Système de surveillance des attaques contre les soins de santé, ou SSA).

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le Système de surveillance des attaques contre les soins de santé, ou SSA, et à qui il est destiné ?

Le SSA sert à recueillir des données sur les attaques dirigées contre les soins de santé dans le monde entier, et à mesurer leur incidence sur la santé des populations touchées au travers d'une démarche normalisée.

Cet outil vise plusieurs publics. Il s'agit bien entendu des personnels de santé et des responsables de la sécurité des structures de santé, mais également des organisations gouvernementales et non gouvernementales, nationales et internationales, du milieu universitaire et, globalement, de quiconque s'intéresse à la question.

Grâce aux données que nous récoltons, nous espérons mieux comprendre les tendances et constantes mondiales relatives à ce type de violences, la nature des attaques et leurs répercussions sur la fourniture de soins de santé. L'OMS exploite ces informations dans le cadre de la campagne de sensibilisation qu'elle mène actuellement pour mettre fin aux attaques contre les soins de santé et mieux faire connaître les règles pertinentes du droit international humanitaire. L'objectif, à terme, est d'inciter la communauté internationale à agir pour une meilleure protection des services de santé.

Grâce aux données que nous récoltons, nous espérons mieux comprendre les tendances et constantes mondiales relatives à ce type de violences, la nature des attaques et leurs répercussions sur la fourniture de soins de santé.

Existe-t-il d'autres outils conçus pour recenser les violences à l'encontre des soins de santé ? Le cas échéant, en quoi le SSA est-il différent ?

Quelques autres organisations, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l'ONG Physicians for Human Rights et la coalition Protéger la santé dans les conflits, collectent des données sur le sujet. Cependant, leurs approches sont légèrement différentes, et chacune a sa propre définition de ce qui constitue une attaque, de sorte qu'il est impossible de regrouper ou de comparer les informations à l'échelle d'un pays. Il n'existait pas jusqu'à présent de base de données mondiale employant les mêmes méthodes et la même méthodologie pour tous les pays. Or, c'est précisément ce que fait le SSA pour obtenir des résultats comparables.

De plus, il est souvent difficile, particulièrement au cœur d'une crise, de confirmer la véracité d'un incident qui a été signalé. L'application de critères trop stricts peut se traduire par l'exclusion d'incidents par ailleurs potentiellement pertinents. Pour mettre en place le SSA, une équipe d'épidémiologistes a donc élaboré un système de classification reposant sur plusieurs niveaux de certitude. Au lieu de la traditionnelle dichotomie entre les informations « vérifiées » et « non vérifiées », le SSA propose quatre niveaux pour chaque signalement, à savoir : (1) rumeur, (2) possible, (3) probable et (4) confirmé. Dès lors qu'ils sont au minimum « possibles », tous les signalements sont publiés sur le tableau de bord. La méthode de classification repose sur le nombre et la fiabilité des sources. Par exemple, lorsqu'une « organisation partenaire », autrement dit une organisation considérée comme une source fiable par le bureau national de l'OMS, rapporte avoir été victime ou témoin d'une attaque, le signalement reçoit un classement de niveau 4, c'est-à-dire « confirmé ». Le niveau de certitude est précisé pour chaque signalement publié sur le tableau de bord. Nous pouvons ainsi répertorier bien plus d'incidents que ne le permettaient jusqu'à présent les systèmes de collecte de données similaires.

Contrairement à ceux-ci, le SSA présente en outre l'avantage de mettre les données collectées à la disposition du grand public : chacun peut se renseigner sur les incidents pris isolément ainsi que sur les grandes tendances, puis les intégrer dans sa propre analyse. Les étudiants ou les chercheurs universitaires, par exemple, pourront y trouver des informations utiles. Il faut cependant rappeler que nous ne publions pas toutes les données récoltées ; les informations sensibles ou susceptibles de compromettre la confidentialité et la sécurité de nos sources ne sont pas divulguées.

le SSA présente en outre l'avantage de mettre les données collectées à la disposition du grand public : chacun peut se renseigner sur les incidents pris isolément ainsi que sur les grandes tendances, puis les intégrer dans sa propre analyse.

Quelles limites et difficultés avez-vous rencontrées à ce jour, et quelle est d'après vous la marche à suivre pour l'avenir ?

Ce projet a soulevé de nombreuses difficultés techniques et conceptuelles. Il a fallu des mois d'étroite collaboration avec nos experts en informatique pour que la plateforme réponde aux besoins techniques tout en restant souple d'utilisation.

Les outils de ce type requièrent une pluralité de sources. Nous encourageons vivement les réseaux de partenaires existants au sein du Groupe sectoriel Santé (Global Health Cluster) à réaliser leurs signalements sur ce système. À ce jour, il a été bien accueilli, notamment par un certain nombre de bureaux nationaux. Nous espérons que des partenaires d'autres groupes, ainsi que des entités locales, alimenteront aussi la base de données.

Pour que cet outil soit efficace, et pour que nous soyons en mesure de remédier plus largement au problème des violences contre les soins de santé, il faut que tout l'éventail des parties prenantes, autrement dit les pouvoirs publics, les organisations et les personnes à titre individuel, effectuent des signalements et fassent la promotion du système, mais aussi qu'elles identifient les meilleures pratiques et appuient des mesures en faveur de la protection des soins de santé. Le moment est propice car nous pouvons d'ores et déjà compter sur une coalition d'organisations qui s'efforcent ensemble de trouver des solutions. Nous allons dans la bonne direction, mais les données saisies dans le SSA montrent bien que le problème est loin d'être résolu et que nous devons poursuivre sur notre lancée.

« Les soins de santé en danger » est une initiative du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui vise à améliorer l'accès aux soins de santé et à rendre leur fourniture plus sûre dans les conflits armés et autres situations d'urgence. Son but est de promouvoir le respect des personnels de santé, des structures médicales et des moyens de transport sanitaire, ainsi que la mise en œuvre d'une série de recommandations et de mesures pratiques visant à protéger les services de santé et leur mission humanitaire. Elle bénéficie du soutien de nombreux partenaires – personnes et organisations – membres de la communauté d'intérêts réunie autour du projet « Les soins de santé en danger ».

Pour plus d'informations sur le projet « Les soins de santé en danger », vous pouvez :