La médaille Henry Dunant

31-12-1998 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 832

L’idée d’une médaille portant le nom de celui qui était à l’origine de la Croix-Rouge internationale, devenue le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a été présentée et approuvée dans son principe lors du Conseil des Délégués du centenaire, en 1963. Grâce à la générosité de la Croix-Rouge australienne, la médaille a été définitivement créée par la Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie à Vienne, en 1965. Les premières médailles ont été décernées lors de la Conférence suivante, à Istanbul, en 1969.

La médaille Henry Dunant est destinée à reconnaître et à récompenser des services exceptionnels et des actes de grand dévouement à la cause de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, accomplis par un membre du Mouvement. La désignation des récipiendaires de la médaille est de la compétence de la Commission permanente de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Celle-ci n’attribue en principe pas plus de cinq médailles tous les deux ans. Sa rareté doit en effet contribuer à en accroître la valeur et lui conserver le caractère du plus grand honneur que le Mouvement puisse accorder à l’un de ses membres.

Pour effectuer son travail, la Commission permanente s’appuie sur un règlement, adopté en 1965 et révisé en 1981. Que ce soit pour distinguer une action exceptionnelle ou un service de longue durée, le règlement invite la Commission permanente à donner un poids particulier à la connotation internationale de l’acte ou du service. Si cet aspect fait défaut, la Commission permanente aura tendance à ne pas retenir une candidature dont les mérites, sans doute réels, devraient plutôt être relevés par sa Société nationale.

Ces dernières années, le nombre d e collaborateurs impliqués dans des actions internationales et l’insécurité croissante du contexte dans lequel ces actions se déroulent ont eu pour conséquence une dramatique augmentation du chiffre des victimes au sein du Mouvement. Comme le règlement de la médaille prévoit expressément la possibilité de la décerner à titre posthume, et que la limite de cinq attributions n’est alors évidemment pas prise en considération, le résultat est qu’une grande proportion, voire la quasi-totalité des médailles (comme ce fut le cas lors du Conseil des Délégués de Séville, en 1997) est décernée à des personnes récemment décédées.

Des voix de plus en plus nombreuses, y compris au sein de la Commission permanente, se sont élevées contre cette tendance, de plus en plus fréquente, à utiliser la médaille pour honorer des collaborateurs décédés. Leur argument est que cette pratique en modifie la nature. La Commission permanente estime en effet qu’il est préférable d’imaginer d’autres moyens pour marquer la reconnaissance des composantes du Mouvement [1 ]  envers celles et ceux qui, au service de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, sont morts ou ont été sérieusement atteints dans leur santé. Elle renonce cependant à préconiser la création d’une nouvelle médaille ou d’une autre distinction qui revêtirait un aspect uniforme dans tout le Mouvement.

La Commission permanente attache de l’importance à ce que, sauf exception, les récipiendaires de la médaille sachent pour quels motifs elle leur est décernée. Ils doivent pouvoir être considérés, encore de leur vivant, comme des exemples à suivre. Elle souhaite donc que la médaille aille en priorité et majoritairement à des personnalités actives ou récemment retirées. Il ne s’agit toutefois pas de passer sous silence les drames qui ont motivé l’attribution de la médaille. Au contraire, les composantes du Mouvement sont invitées, si elles ne l’ont pas déjà fait, à établir leur propre procédure pour honorer leurs collaborateurs mo rts en service ou marqués psychologiquement ou physiquement. Il sera ainsi plus aisé de respecter les coutumes locales. On peut penser que chaque composante du Mouvement, en fonction de sa situation, de ses moyens et de ses traditions, trouvera les solutions les plus appropriées, qu’il s’agisse de médailles, de diplômes, de plaques commémoratives, de publications, d’événements artistiques, de créations de jardins du souvenir ou de lieux de recueillement. Il conviendra de veiller à ce que l’événement reçoive une publicité adéquate.

Conformément à son règlement, il sera toujours possible de décerner la Médaille Henry Dunant à titre posthume. Les composantes du Mouvement qui, désormais, devraient toutes disposer d’autres moyens en de telles circonstances, ne transmettraient toutefois des dossiers de candidatures que p our des cas véritablement exceptionnels.

* * *

  CRITÈRES D’ATTRIBUTION DE LA MÉDAILLE HENRY DUNANT  

adoptés par la Commission permanente de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge lors de sa réunion des 20-21 avril 1998

  1. Objet de la Médaille Henry Dunant et critères d’attribution  

« La médaille Henry Dunant est destinée à reconnaître et à récompenser les services exceptionnels et actes de grand dévouement à la cause de la Croix-Rouge [et du Croissant-Rouge ] , accomplis par un de ses membres, principalement sur le plan international. » Elle peut être attribuée sur la base des « risques encourus, [des ] conditions pénibles présentant un danger pour la vie, la santé ou la liberté de l’individu [et en reconnaissance d’ ] un dévouement de longue durée au service de la Croix-Rouge internationale [Mouvement int ernational de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ] ». Outre les critères ci-dessus, la Commission permanente a annoncé publiquement qu’elle ne décernerait pas la médaille à des personnes encore en fonction au sein du Mouvement [2 ] . À chaque attribution, la médaille n’est décernée qu’à un nombre restreint de récipiendaires, et elle peut l’être à titre posthume. [3 ]

La Commission permanente reconnaît que la médaille Henry Dunant doit être attribuée à des personnes qui appartiennent au Mouvement et qui se sont distinguées soit par leur dévouement exceptionnel et de longue durée aux idéaux du Mouvement, soit parce qu’elles ont fait preuve d’un courage et d’une abnégation remarquables dans une ou des situations données. En outre, elle évaluera les candidats selon l’interprétation suivante du Règlement.

1.1  Membres  

Un « membre » de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge peut être une personne qui offre de son temps sans songer à en retirer un avantage pécuniaire, ou un professionnel (délégué, collaborateur) qui reçoit un salaire pour son travail au sein du Mouvement. Lorsqu’un candidat est proposé ou évalué, l’accent doit être mis sur le caractère exceptionnel de son action, et non sur le statut de la personne (c’est-à-dire qu’elle soit bénévole ou rémunérée).

La décision prise précédemment par la Commission permanente de ne pas octroyer la médaille à des personnes toujours en fonction au sein du Mouvement a été motivée par le souci d’évaluer les candidats de façon plus équitable, d’éviter que la médaille ne soit utilisée pour simplement récompenser de longues carrières, et d’exclure l’influence personnelle, perçue ou avérée, de certains dirigeants. Cette règle est maintenue et s’applique à tous les candidats qui occupent encore un poste à responsabilités à l’intérieur de l’une des composantes du Mouvement ou de ses organes statutaires.

La médaille ne sera pas attribuée à un membre de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge qui déploie également des activités à l’extérieur du Mouvement dans un domaine susceptible d’être en contradiction avec les Principes fondamentaux de neutralité et d’indépendance.

1.2  Sur le plan international  

Le Règlement précise que la médaille Henry Dunant doit essentiellement reconnaître les actes ou les services « sur le plan international ». Cette disposition vise à différencier la médaille Henry Dunant des autres médailles que des Sociétés nationales ont créées ou pourraient créer pour rendre hommage à leurs membres sur le plan national. Ainsi, les candidats seront proposés et évalués selon leur contribution spécifique aux aspects internationaux de l’action du Mouvement, que ce soit dans le domaine de sa politique générale, au sein de ses instances dirigeantes ou dans le cadre de ses opérations.

1.3  Risques encourus et conditions pénibles présentant un danger pour la vie, la santé ou la liberté de l’individu  

Lorsque la médaille Henry Dunant a été instituée, elle visait avant tout à reconnaître des actes de grand courage accomplis lors d’activités conduites sur le terrain. En effet, nombre de ses premiers récipiendaires s’étaient distingués par leur courage et leur dévouement exceptionnels à l’idéal humanitaire au cours d’opérations majeures. Avec le temps, et notamment ces dernières années, le respect du personnel humanitaire s’est délité dans de nombreuses opérations, et la médaille a été décernée à des délégués ou des collaborateurs qui avaient été tués ou grièvement blessés dans l’accomplissement de leur mission. Certes, il est important et nécessaire de rendre hommage à ceux qui sont morts ou qui ont subi une atteinte physique ou psychologique grave en servant la Croix-R ouge et le Croissant-Rouge. Mais il est préférable que chaque composante du Mouvement instaure sa propre récompense, afin de préserver le caractère unique de la médaille Henry Dunant.

Il va de soi que si un membre de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge blessé ou tué pendant une mission a également manifesté un courage et un dévouement remarquables et pris des risques pour aider autrui, la médaille pourra lui être attribuée. Lors de l’évaluation d’un candidat, l’accent sera mis sur le mérite exceptionnel de la personne, plutôt que sur le danger encouru, inhérent à de nombreuses activités opérationnelles.

     

  2. Médailles Henry Dunant à titre posthume  

Un candidat à la médaille Henry Dunant à titre posthume sera évalué en fonction des critères exposés ci-dessus. Les médailles posthumes ne seront pas décernées automatiquement aux personnes qui ont perdu la vie au service de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, mais seront réservées à celles qui se sont personnellement distinguées (voir point 1.3). En effet, il est important que ceux qui reçoivent la médaille sachent, de leur vivant, que leurs pairs ont reconnu la valeur de leur contribution humanitaire et les considèrent comme des exemples pour les autres.

     

  3. Distinction en hommage aux membres du Mouvement tués dans l’accomplissement de leur mission  

Étant donné le nombre croissant des bénévoles et des délégués qui sont tués ou gravement blessés au cours d’une mission, la Commission permanente encourage chaque composante du Mouvement à instaurer sa propre médai lle ou une autre forme de reconnaissance pour honorer ceux qui ont sacrifié leur vie ou leur santé à la Croix-Rouge ou au Croissant-Rouge. Les principaux critères sont les suivants :

3.1  Critères à prendre en compte pour honorer des membres du Mouvement blessés ou tués en mission  

Maintes opérations humanitaires se déroulent dans des endroits dangereux, que ce soit dans une situation de conflit ou au lendemain d’une catastrophe naturelle ou technologique. Heureusement, nombreux sont les membres de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge qui, ayant rencontré des conditions de travail périlleuses, ont survécu à de graves incidents liés à l’insécurité.

S’il est difficile d’établir des critères absolus en ce qui concerne l’octroi d’une distinction à une personne décédée ou gravement blessée, il convient toutefois de faire une distinction entre les accidents et les assassinats. Ainsi, il convient d’honorer ceux qui sont morts ou ont subi un grave préjudice physique ou psychologique dans l’accomplissement de leur mission (par exemple, meurtre, blessure causée par un combattant, acte de banditisme, prise d’otage, viol, accident lors d’une opération de secours au cours d’une catastrophe naturelle ou technologique). Un décès, une blessure non prémédités, mais provoqués par une mine, une balle perdue, notamment, pourraient aussi être considérés comme dignes de reconnaissance.

3.2  Type de distinction  

La distinction qui est décernée aux personnes blessées ou tuées en mission ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une médaille. Celle-ci pourrait être remplacée par un document écrit, comme un certificat de reconnaissance, et une cérémonie qui serait publique avec couverture médiatique. En effet, la publicité donnée à la distinction accordée est un aspect important d e la reconnaissance que la Croix-Rouge ou le Croissant-Rouge témoigne à ses membres, qui prennent souvent des risques pour autrui.

     

  4. Conclusion  

La Commission permanente attribuera la médaille Henry Dunant aux membres du Mouvement, conformément à l’objet et aux critères définis dans le règlement, tels qu’ils sont interprétés aux points 2 et 3 du présent document. En outre, elle recommande à chaque composante du Mouvement de créer sa propre distinction honorifique, afin de rendre hommage à ses membres qui sont morts ou ont subi un grave préjudice physique ou psychologique dans l’accomplissement de leur mission.

  Notes:  

1. Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Comité international de la Croix-Rouge.

2. Voir les lettres circulaires adressées les 27 novembre 1994 et 15 novembre 1996 par la Commission permanente aux Sociétés nationales, concernant l’attribution de la médaille Henry Dunant.

3. Voir articles 1, 2, 5 et 6 du Règlement.