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1919-1939: Consolidation dans les crises

La boucherie de 14-18 devait être la dernière. Face à des opinions publiques écoeurées par tant de sang versé, la guerre n'avait plus droit de cité. Mais les événements eux-mêmes vont rapidement lever le voile sur cette illusion. Loin de disparaître, la violence de guerre va au contraire prendre une tournure d'autant plus brutale qu'elle devient la matrice des idéologies totalitaires des années 1920-1930. Le CICR doit dès lors s'affirmer dans un environnement toujours plus défavorable aux principes humanitaires.

Contrairement aux prévisions des plus optimistes, la fin de la "Der des ders" ne coïncide pas avec la fin de la mission du CICR. Bien au contraire, l'organisation se trouve engagée dans une palette de nouvelles activités, qu'elle mènera seule ou en coopération avec la toute jeune Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, fondée en 1919.

Conséquence des désordres politiques, sociaux et économiques liés à la guerre, le CICR intervient tour à tour en Europe centrale, où règnent parmi une population déjà affaiblie par les privations la disette et le typhus; en Russie, dans le cadre d'une gigantesque opération internationale de secours aux populations victimes de la famine; dans la région de la Ruhr occupée; en Haute Silésie, où ses services d'intermédiaire neutre sont réclamés; mais aussi en Grèce et en Turquie, où il vient en aide aux populations déplacées à la suite du conflit entre les deux pays.

Le CICR poursuit également, dans la mesure où sa présence est acceptée, ses activités en faveur des détenus politiques. Des missions sont alors effectuées au Monténégro, en Irlande, en Pologne, ou en encore en Lituanie. Après la prise de pouvoir d'Adolf Hitler, l'organisation se rendra également à deux reprises dans les camps de concentration allemands.

A travers le monde

Parallèlement à l'élargissement du nombre de ses bénéficiaires, le CICR diversifie aussi le théâtre géographique de ses interventions. Les ambitions coloniales japonaises l'amènent à être présent en Chine, en 1932, puis à nouveau entre 1937 et 1938. L'organisation effectue également ses premiers pas sur le continent latino-américain à l'occasion de la sanglante guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay. De même, le CICR envoie deux délégués en Éthiopie, envahie par les troupes mussoliniennes. Ils assisteront impuissants aux largages de gaz toxiques de combat et aux bombardements d'hôpitaux par l'aviation italienne.

A sa manière, l'expérience éthiopienne préfigure la guerre totale telle qu'elle se déroulera lors du second conflit mondial. Auparavant, certains de ses belligérants auront déjà eu l'occasion de se faire la main dans une Espagne divisée par la violence fratricide. Durant les trois années de la guerre civile espagnole, le CICR se retrouve, lui aussi, au cœur des affrontements dont la férocité est à l'image de l'âpreté des idéologies dont se revendiquent les combattants.

Le droit humanitaire s'étend

Certes, le CICR n'avait pas attendu d'être confronté à ce durcissement dans la belligérance pour tenter d'en atténuer les conséquences pour les victimes. En 1929, sous son impulsion, le droit humanitaire s'était étendu aux prisonniers de guerre qui se voyaient désormais protégés par une convention internationale en bonne et due forme. De même, l'organisation a essayé de faire bénéficier certaines populations civiles d'une protection similaire, mais en vain. Cette lacune du droit aura des conséquences inimaginables dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.