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1945-1965: deux décennies de défis

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le CICR se retrouve dans une position ambivalente. Certes, son action humanitaire durant le conflit – notamment en faveur des prisonniers de guerre - est largement saluée et lui vaudra même une reconnaissance internationale au travers d'un Prix Nobel de la Paix. Mais, en parallèle, certains, en particulier les pays de l'est européen, lui reprochent son inefficacité par rapport aux millions de victimes de l'Holocauste et ses efforts, dans l'immédiat après-guerre, pour secourir des populations vaincues, notamment en Allemagne. Ces critiques, auxquelles s'ajoute une situation financière très difficile, sont autant de défis que l'organisation doit relever si elle veut continuer à assurer sa pérennité.

Pour répondre aux lacunes du droit humanitaire, surtout en ce qui concerne les victimes civiles de la violence armée, le CICR se lance dans un processus de révision et d'élargissement des Conventions de Genève, dont le but est d'empêcher la répétition des horreurs vécues durant la dernière guerre. Cet exercice aboutit, en août 1949, à l'adoption par une conférence diplomatique de quatre textes fondamentaux, dont l'un précise explicitement les devoirs qu'ont les belligérants à l'égard de la population civile. En vue toujours d'accroître la protection de celle-ci, le CICR s'engage au début des années 1950 dans une vaste réflexion sur les moyens d'interdire les bombardements de zone et l'emploi d'armes de destructions massives. Le souvenir d'Hiroshima et de Nagasaki reste vivace et sert de toile de fond aux discussions. Un projet de Règles limitant les risques courus par la population civile en temps de guerre est élaboré et soumis à la dix-neuvième Conférence de la Croix-Rouge, mais hélas sans succès.

Sur le plan opérationnel, conformément à son mandat, l'institution continue à offrir ses services non seulement afin d'atténuer les souffrances causés par la guerre mondiale (actions de secourir en faveur des populations civiles, rapatriements de prisonniers de guerre, aide aux réfugiés ou aux personnes déplacées) mais aussi dans le cadre de nouveaux conflits (Guerre de Palestine, Partition entre l'Inde et le Pakistan). Toutefois, l' "éclatement", dès 1947, de la Guerre froide replace formellement le CICR sur l'échiquier international, en lui fournissant l'occasion d'œuvrer en tant qu'institution humanitaire jouant un rôle d'intermédiaire neutre entre l'Est et l'Ouest. La guerre civile grecque, la Guerre de Corée, la crise de Suez, l'insurrection hongroise ou la crise des missiles à Cuba sont ainsi autant d'exemples où la neutralité du CICR fut tout aussi importante que son impartialité.

Par ailleurs, le CICR se trouve engagé dans un nouveau type de conflictualité, avec ses logiques et problèmes intrinsèques, qui découle de la volonté de territoires soumis à un État européen d'obtenir leur indépendance d'avec la métropole. Ces guerres dites de "décolonisation" concernent toutes les puissances coloniales occidentales, et vont d'ailleurs se poursuivre au-delà de la période considérée. Les Indes néerlandaises, l'Indochine et l'Algérie françaises, l'Empire britannique aux Indes ou en Afrique, le Congo belge sont les principaux théâtres d'opération sur lesquels le CICR va se pencher. Ces guerres de libération nationale marqueront profondément le modus operandi de l'organisation.