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Afghanistan : des deux côtés du conflit, on constate dans les hôpitaux l’ampleur des besoins du système de santé

Pour sa première visite de terrain dans ses nouvelles fonctions, le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Robert Mardini, s’est rendu du 8 au 11 novembre en Afghanistan, où le CICR vient en aide depuis plus de quarante ans aux populations qui souffrent des conséquences de la guerre. Il nous a livré quelques-unes de ses réflexions à la fin de cette mission:

Le fait que ma première visite dans mes nouvelles fonctions soit consacrée à l'Afghanistan a une signification importante. C'est le signe non seulement de l'engagement du CICR envers ce pays, mais aussi de la persistance des besoins du peuple afghan, qui ne cesse de souffrir des effets de décennies de conflit.

La pandémie mondiale de Covid-19 fait peser un nouveau danger mortel sur une population déjà usée par d'autres épreuves. En même temps, malheureusement, elle rend encore plus difficile d'obtenir des fonds pour répondre aux besoins d'aide. Nombre de gouvernements donateurs sont préoccupés avant tout par les problèmes de leur propre pays face à la crise économique mondiale qu'a entraînée la pandémie.

À l'approche de la conférence des donateurs pour l'Afghanistan qui se tiendra à Genève les 23 et 24 novembre, organisée conjointement par l'ONU et les gouvernements de la Finlande et de la République islamique d'Afghanistan, cette visite me donne des arguments solides pour faire valoir auprès des bailleurs de fonds la nécessité urgente de disposer d'un financement suffisant et durable pour les programmes humanitaires.

Au cours de ma visite, j'ai rencontré les autorités, les représentants de la société civile et les populations touchées dans un camp comme dans l'autre. J'ai exprimé à toutes les parties concernées nos graves préoccupations face à l'énorme impact du conflit sur les civils.


Alors même que se déroulent des pourparlers de paix, il est clair que les hostilités se sont intensifiées en Afghanistan ces dernières semaines, entraînant un afflux croissant de blessés par armes dans les hôpitaux. D'après le personnel hospitalier de régions situées d'un côté ou de l'autre du conflit, telles que les provinces du Helmand, de Kandahar ou de Ghazni, des centaines de victimes dont de nombreux civils ont été admises le mois dernier.

Il est tout aussi évident que plus de quarante ans de conflit armé ont mis le système de santé afghan dans l'incapacité de faire face à l'ampleur des besoins. La pandémie meurtrière de Covid-19 venant encore aggraver cette situation, l'accès aux soins de santé est un des besoins humanitaires les plus pressants du pays.

J'ai pu le constater directement lorsque j'ai visité l'hôpital de district d'Andar et l'hôpital provincial de Ghazni – deux établissements gérés par des parties opposées. Pourtant, en parlant avec les personnels de santé et les autorités sanitaires des deux côtés, j'ai été frappé davantage par ce qu'ils ont en commun que par ce qui les divise. Dans le domaine des soins de santé, les besoins sont énormes partout et nécessitent une réponse urgente, indépendamment de toute considération d'appartenance politique.

L'hôpital de district d'Andar compte un seul chirurgien urgentiste pour une population d'environ 50 000 habitants. La salle d'urgence ne dispose actuellement que de cinq lits. Lorsqu'une attaque ou un autre incident se produit dans les environs – ce qui est fréquent – l'hôpital est très vite envahi par un afflux de blessés de guerre, dont souvent de nombreux civils.

De même, l'hôpital provincial de Ghazni admet régulièrement des centaines de blessés de guerre par mois en plus de tous les autres patients nécessitant des soins, et sa capacité de 100 lits est vite débordée. Ces deux hôpitaux ayant des problèmes d'alimentation en eau et en électricité, il arrive en outre souvent qu'ils ne puissent pas utiliser le peu d'équipement dont ils disposent.

Cela étant, j'ai trouvé encourageante l'attitude positive des autorités sanitaires d'un côté comme de l'autre, et profondément motivant le courage des personnels de santé afghans qui soignent blessés et malades 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

En ce qui concerne les pourparlers de paix engagés à Doha, des efforts sincères ayant pour but d'établir la paix sont évidemment toujours bienvenus. Il ne faut cependant pas oublier entre-temps les besoins humanitaires urgents. Même si un accord de paix était conclu demain, il ne pourrait pas à lui seul effacer des décennies de souffrance et des besoins profondément enracinés qui subsistent parfois sur plusieurs générations, sans parler des cicatrices psychologiques du conflit, souvent invisibles.

Aussi longtemps que le conflit armé continue, toutes les parties doivent respecter les principes de droit international humanitaire (DIH) visant à réduire les dommages infligés aux civils. Le respect du DIH n'est négociable en aucune circonstance. C'est l'ultime filet de sécurité qui permet de faire respecter la vie et la dignité de la population touchée par un conflit armé.

Nous encourageons les parties au conflit à conclure des accords sur des points spécifiques qui permettraient d'alléger les souffrances de toutes les personnes touchées, de renforcer l'application du DIH et, à terme, d'établir un climat de confiance à travers les lignes – nous pensons par exemple à l'évacuation des blessés, au transfert des restes humains, au respect de la mission médicale et à l'accès à l'éducation.

Le CICR est prêt à apporter son aide pour faciliter la conclusion de tels accords. Nous en sommes convaincus, ceux-ci pourraient en fin de compte préparer la voie à une solution politique qui se traduirait par moins de souffrances pour la population afghane.