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Afghanistan : la population au plus mal face à l’inflation et à la chute du pouvoir d’achat

Conséquence de décennies de conflit, l’Afghanistan s’enfonce dans une crise économique extrêmement douloureuse.

Réagissant à la prise de contrôle du pays par l'Émirat islamique d'Afghanistan, en août 2021, plusieurs bailleurs de fonds internationaux ont immédiatement suspendu la majorité des financements non humanitaires ; or ceux-ci représentaient plus de 70% des dépenses publiques. De plus, le gel de près de 9 milliards de dollars US (USD) d'actifs appartenant à la banque centrale d'Afghanistan a plongé le secteur bancaire et les ménages du pays dans une violente tourmente financière.

C'est dans ce contexte déjà désastreux qu'est survenue l'une des pires sécheresses de ces dernières années, réduisant considérablement la production vivrière et les réserves d'eau dans de nombreuses régions d'Afghanistan. D'après de récentes déclarations du ministère de l'Agriculture, de l'irrigation et de l'élevage à Jalalabad, la production de blé en a durement souffert, avec des pertes de rendement pouvant aller jusqu'à 25% dans certaines provinces. Cela a contribué à une nouvelle envolée du prix des produits alimentaires de base, au point que même les denrées les plus essentielles deviennent inabordables pour la plupart des gens.

Haji Mirza, qui tient un commerce à Kaboul depuis 26 ans, se dit préoccupé par la situation. Il ne lui a pas échappé que son magasin est beaucoup moins fréquenté depuis plusieurs mois. Les clients qui continuent de venir demandent à acheter à crédit car ils sont à court d'espèces alors que, de son côté, l'approvisionnement du magasin coûte de plus en plus cher.

Haji Mirza ne sait pas combien de temps son activité pourra tenir dans ces conditions. Pour lui, la crise est sans issue. « Auparavant, des clients achetaient chaque mois pour 20 000 afghanis (l'équivalent de 225 USD) de produits alimentaires de base. Aujourd'hui, c'est à peine s'ils peuvent se permettre de dépenser 5000 afghanis (56 USD) », explique-t-il, avant d'ajouter : « Les clients sont toujours plus nombreux à me demander crédit. »

Parwiz Ahmad FAIZI/CICR

Pour ce commerçant, ces changements montrent de façon tangible à quel point des centaines de milliers d'Afghans sans emploi, et avec eux leurs familles, souffrent de l'insécurité alimentaire et de l'inflation galopante. Soulignant que le prix de certains aliments de base comme la farine, le riz et l'huile a quasiment doublé au cours des derniers mois, il dit que le conflit armé en Ukraine influence aussi les prix pratiqués sur les marchés afghans.

Le Kazakhstan, d'où provient la majeure partie du blé importé en Afghanistan, a récemment restreint ses exportations en raison du conflit en Ukraine. Le prix de l'huile alimentaire est aussi en hausse, car 60% de la production mondiale d'huile de tournesol est assurée par l'Ukraine et la Russie. Depuis juin 2021, les prix de la farine de blé et de l'huile de cuisine ont augmenté de 68% et 55% respectivement. Sur la même période, les prix de l'engrais et du gasoil ont bondi de 107% et 93% respectivement.

Parwiz Ahmad FAIZI/CICR

Pour Haji Mirza, qui peine aussi à faire vivre sa famille sur ses maigres revenus, ce sont bien plus que de simples statistiques. « Je ne peux plus me permettre d'envoyer mes enfants dans des écoles privées car cela coûte trop cher. Et je sais que beaucoup de mes clients – des artistes, des chanteurs et d'anciens fonctionnaires – ont perdu leur emploi et ne peuvent plus assumer les frais de scolarité de leurs enfants », dit-il.

Ahmad Siar, chauffeur de camion à Kaboul, est sans travail depuis de longs mois. Lui aussi se plaint du chômage et de la flambée des prix de l'alimentaire.

Parwiz Ahmad FAIZI/CICR

« Avant, ma famille pouvait se permettre au moins un bon repas par semaine, mais maintenant nous y arrivons à peine une fois par mois. Les aliments de base sont devenus si chers que les gens comme moi ne peuvent tout simplement pas se les procurer. Alors, nous limitons au maximum nos rations de nourriture et nous avons réduit de moitié nos achats », dit-il.

Évoquant un sujet rarement abordé dans sa communauté, le chauffeur fait part de sérieuses difficultés psychologiques. « Je ressasse sans arrêt ce qu'il faudrait faire pour subvenir aux besoins de mes six enfants. Je ne suis pas le seul dans ce cas, tous les Afghans en sont au même point », dit-il, avant de tempérer : « Nous gardons espoir malgré tout. »

Parwiz Ahmad FAIZI/CICR

En Afghanistan, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) axe ses activités sur les ménages les plus vulnérables. Entre janvier et juin 2022, il a ainsi effectué des dons d'argent à plus de 7000 familles particulièrement en difficulté (soit 56 000 personnes) dans tout le pays, afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins essentiels. Par ailleurs, il a aidé 11 000 ménages d'agriculteurs touchés par la sécheresse à reprendre leurs activités de subsistance. Un temps chassés de leurs terres par les violences, nombre d'entre eux avaient été contraints de laisser leurs cultures à l'abandon.

Le CICR a également mis sur pied un projet « argent contre travail » à Gulbahar, qui a consisté à fournir un emploi rémunéré de courte durée à des personnes très vulnérables, tout en améliorant leur capacité à générer des revenus.

Malgré ce soutien, les besoins humanitaires en Afghanistan ont considérablement augmenté et des efforts accrus doivent être consentis pour prévenir une nouvelle dégradation de la situation.


Le CICR vient en aide à la population afghane depuis plus de 40 ans et continuera de le faire aussi longtemps qu'il le faudra. Nous menons des activités dans tout le pays en collaboration avec le Croissant-Rouge afghan. Nous avons actuellement sur place un effectif composé de plus de 1800 personnes qui s'emploient à fournir une assistance humanitaire dans de nombreux domaines, comme les soins de santé, la réadaptation physique, la protection, l'amélioration de l'accès à l'eau et à l'assainissement, et la sécurité économique. Nos équipes sont présentes à Khost, Hérat, Lashkar Gah, Kandahar, Kaboul, Mazar-i-Sharif, Faizabad, Jalalabad, Ghazni, Gulbahar et Farah.

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