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Afghanistan : un système de soins de santé sous perfusion humanitaire

Après la prise de contrôle du pays par l’Émirat islamique d’Afghanistan en août 2021, les agences de développement et institutions financières internationales ont mis en terme à leur financement, interrompant de nombreux projets d’infrastructure essentiels, notamment dans le secteur de la santé. Des projets ont été immédiatement suspendus ainsi que le paiement des salaires et des coûts de fonctionnement.

Pour éviter l'effondrement du système de soins de santé secondaires, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a lancé le « Projet de résilience hospitalière ». Cette initiative permet de soutenir 33 hôpitaux d'une capacité totale de 7057 lits et bénéficie à environ 26 millions de personnes. Cette mesure vise à prendre en charge le paiement des salaires de près de 10 500 professionnels de la santé (dont environ un tiers sont des femmes) et l'achat de fournitures médicales afin de permettre aux patients de poursuivre leur traitement. Elle prévoit également une aide en espèces pour acheter du carburant pour les ambulances, garantir un approvisionnement continu en électricité, distribuer de la nourriture aux patients et effectuer les travaux de maintenance nécessaires.

« Si le CICR n'avait pas apporté son soutien à notre hôpital, il aurait déjà fermé ses portes et de nombreuses personnes n'auraient pas eu accès aux soins de santé », déclare le docteur Hafiza Omarkhail, directrice du service médical de la maternité de Malalai, l'une des maternités de Kaboul accueillant le plus de patients.

« Nous étions confrontés à de nombreuses difficultés en raison du manque d'argent pour acheter les médicaments nécessaires ou payer les salaires. Pour cette raison, certains médecins ont décidé de quitter l'hôpital, ce qui a exercé une pression supplémentaire sur un personnel déjà mis à rude épreuve. Heureusement, en décembre 2021, le CICR a commencé à prendre en charge le financement des salaires et des coûts de fonctionnement de l'hôpital. Nous sommes désormais à nouveau en mesure de fournir un service de qualité aux mères et aux enfants. »

Docteur Omarkhail

Masoud SAMIMI/CICR

Docteur Hafiza Omarkhail, directrice du service médical de la maternité de Malalai à Kaboul.

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La maternité de Malalai à Kaboul, l’une des plus grandes et accueillant le plus de patients, fournit des services de soins de santé à plus de 10 000 personnes par mois et est un hôpital de recours pour les patients d’autres provinces souffrant de problèmes de santé complexes.</h2>

Masoud SAMIMI/CICR

Des lits vides dans l’une des maternités de Kaboul.

« Nous étions à la fois médecins, sages-femmes, spécialistes et gardes »

Sharifa, sage-femme dans une autre maternité de Kaboul, se remémore la situation en octobre 2021. « Nous avions 100 membres du personnel médical en poste. Mais fin 2021, nous ne disposions plus que deux sages-femmes et d'un médecin. Nous n'avions même pas de personnel d'entretien. Le médecin et les sages-femmes nettoyaient les patients, les lits et les chaises. Nous assurions toutes les tâches. Nous étions les réceptionnistes, les médecins, les sages-femmes, les spécialistes et aussi les gardes », dit-elle.

En raison du manque de personnel, de médicaments et d'équipements, nous ne pouvions pas accueillir tous les patients. « Ce manque de capacité a provoqué des tensions chez les familles qui menaçaient de nous battre pour avoir refusé de prendre en charge leurs proches », ajoute Sharifa.

 

Masoud SAMIMI/CICR

Sharifa assure la consultation médicale d’une femme enceinte.

Les patients aussi ont souffert de cette situation. Noorulhaq, hospitalisé en octobre 2021, raconte : « Je faisais du vélo quand une voiture m'a renversé et m'a cassé la jambe. Les médecins m'ont très bien soigné, mais la pharmacie de l'hôpital n'avait pas les médicaments prescrits. J'ai dû emprunter de l'argent et acheter les médicaments ailleurs. Mes analyses de sang et d'autres examens de laboratoire n'ont même pas pu être effectués à l'hôpital. J'ai donc dû aller dans des laboratoires externes, ce qui était coûteux et laborieux.

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Noorulhaq, admis dans le service orthopédique d’un hôpital après un accident, n’a pas pu y obtenir les médicaments ou effectuer les examens de laboratoire nécessaires.

Projet de résilience hospitalière : prévenir l'effondrement des soins de santé

L'accès aux soins de santé est une préoccupation majeure des communautés en Afghanistan. Pour obtenir des soins spécialisés, les patients doivent souvent se déplacer pendant des heures, en empruntant parfois des routes dangereuses dans des zones encore fortement contaminées par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre. Il est vital de maintenir l'accès à des services de soins de santé de qualité et spécialisés en Afghanistan et le « Projet de résilience hospitalière » est une initiative essentielle qui a permis de sauver de nombreuses vies.

« C'est dramatique de voir un patient endurant des douleurs extrêmes et de devoir attendre que ses soignants achètent à l'extérieur de l'hôpital les analgésiques dont il a besoin, car nous ne les avons pas », explique le Docteur Amanullah, médecin au service des urgences de l'un des plus grands hôpitaux de Kaboul, où sont pris en charge la plupart des patients souffrant de blessures causées par des explosions.

 

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Le Docteur Amanullah, médecin du service des urgences de l’un des hôpitaux publics de Kaboul.

Gulaghai, 45 ans, du district de Jaghouri, dans la province de Ghazni, fait partie des patients ayant directement bénéficié du rétablissement des capacités médicales grâce au soutien du CICR. « J'ai subi des complications pendant l'accouchement, les médecins ont donc décidé de pratiquer une césarienne. Malheureusement, cela a entrainé d'autres complications en raison d'une erreur médicale et ils ont dû réaliser deux autres opérations. Finalement, mon mari m'a amenée à la maternité de Malalai à Kaboul, à sept heures de route de notre district. L'hôpital m'a fourni des médicaments, a effectué des examens de laboratoire et a également réalisé mon opération gratuitement. Je suis maintenant complètement rétablie et prête à rentrer chez moi », dit-elle.

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Gulaghai a voyagé pendant sept heures depuis le district de Jaghouri, dans la province de Ghazni, pour se faire soigner à la maternité de Malalai à Kaboul, après avoir souffert de complications lors de l’accouchement et avoir subi de multiples interventions chirurgicales dans sa ville natale. </h2>

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75 bébés en moyenne naissent chaque jour à la maternité de Malalai et plus de 40 mères sont envoyées par d’autres hôpitaux à la suite de complications lors de l’accouchement.

« Fournir des soins de santé est un devoir humanitaire »

Le Docteur Malalai Rahim Faizi, directrice de la maternité de Malalai, explique que, bien qu'il s'agisse de l'un des plus grands hôpitaux du pays, le service de soins ambulatoires prenait en charge les patients dans un abri préfabriqué en tôle ondulée et manquant d'équipement. « Grâce au soutien du CICR, nous avons pu transférer cette section dans un bâtiment séparé, accueillant un service de soins ambulatoires, un service gynécologique, une salle d'échographie et une salle dédiée aux interventions chirurgicales mineures. Notre salle d'opération dispose également de l'équipement et du matériel nécessaires et nous sommes en mesure de réaliser 40 à 50 césariennes par jour », explique-t-elle.

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Le Docteur Malalai Rahim Faizi, dans son bureau de la maternité de Malalai à Kaboul.

Le docteur Faizi explique que le soutien du CICR a permis de fournir des aliments nutritifs et des soins médicaux à des patients qui ne pouvaient même pas s'offrir un bol de soupe. « Nous vivons une crise en Afghanistan. L'aide internationale est vitale pour faire face à une situation aussi critique. Nous demandons à la communauté internationale que le secteur de la santé ne soit pas politisé. Les patients doivent être soignés. Fournir des soins de santé est un devoir strictement humanitaire », dit-elle.

Le CICR a lancé le « Projet de résilience hospitalière » en novembre 2021 en Afghanistan. Dans le cadre de ce projet, le CICR soutient 33 hôpitaux régionaux, provinciaux et universitaires à travers le pays et garantit la continuité des services qu'ils fournissent. Cette initiative permet de financer les salaires de près de 10 500 professionnels de la santé, de prendre en charge les coûts de fonctionnement des établissements et d'acheter des médicaments et des fournitures médicales. Il permet également à quelque 26 millions de personnes vivant dans ces régions d'avoir accès aux soins de santé. Le CICR continuera à soutenir les hôpitaux aussi longtemps que nécessaire.