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Afghanistan : les villageois déplacés rêvent de rentrer chez eux

Durant l'été et l'automne 2015, environ 3 000 familles ont quitté Abdul Khil et Mamand pour s'installer dans les environs de Ghani Khil et d'Achin et dans d'autres régions des alentours de Jalalabad. Celles qui l'ont pu ont emménagé chez des proches. Les autres ont établi leurs campements sous des arbres. À l'époque, le CICR leur avait fourni de la nourriture, des abris et d'autres articles d'urgence en quantité suffisante pour un mois. Près d'un an plus tard, elles se trouvent toujours au même endroit.

Sans grand espoir d'obtenir une aide supplémentaire, Dunia Gul et les autres hommes déplacés ont commencé à travailler à la journée, chargeant des camions de pierres ou de sable. D'autres se sont improvisés vendeurs de rue. Tous gagnent des salaires de misère, et leurs enfants ne vont plus à l'école.

La dernière fois que Dunia Gul s'est présenté au CICR, il avait l'air épuisé. « Nous sommes 22 dans ma famille, explique-t-il. Nous nous entassons dans une seule pièce chez un proche. Nous avons installé l'une des bâches que vous nous avez données de manière à pouvoir nous asseoir dehors, à l'ombre. Mais nous sommes encore très à l'étroit. »

« Dans notre culture, nous devons offrir l'hospitalité à ceux qui sont dans le besoin et leur venir en aide, poursuit-il. Mes parents n'avoueront jamais que cette situation les accable, mais je sais bien ce qu'ils ressentent au fond d'eux-mêmes. »

Le chômage est généralisé, ce qui fait que les rares emplois journaliers font l'objet d'une concurrence féroce.

« Nous allons jusqu'à travailler pour la moitié du salaire si cela nous permet de décrocher un travail », explique un autre homme vivant à Achin.

La reprise des combats dans l'est de l'Afghanistan a transformé les districts où les communautés vivaient des vies décentes, bien que modestes, en zones d'exclusion.

Lorsque Dunia Gul avait fui son village avec sa famille, lui et l'un de ses fils, qui travaillait pour la police afghane des frontières, avaient été arrêtés par des combattants et conduits dans une prison improvisée. « Il faisait sombre. On m'a attaché les mains et les pieds », se souvient M. Gul en se levant pour montrer comment il faisait pour se déplacer.

Au bout d'un mois, il a pu sortir de prison en versant un pot-de-vin. Son fils n'a pas eu cette chance. « Il a été tué sous mes yeux, raconte le vieil homme. À partir de ce moment-là, rien de ce qu'ils auraient pu faire d'autre n'aurait réussi à me faire souffrir davantage », ajoute-t-il d'une voix étouffée.

« Quelqu'un m'a réclamé des photos de mon fils. Cette personne était même prête à payer pour les obtenir », explique M. Gul, dont la voix se fait plus dure. « Comment pourrais-je tirer profit de la mort de mon fils ? », lance-t-il avec amertume. « Je ne pourrais jamais utiliser cet argent pour acheter de la nourriture ou quoi que ce soit d'autre. »

Voir cet homme se tenir au milieu des fleurs de grenadier, si digne et en même temps si désespéré, fend le cœur. Dunia Gul n'est pourtant qu'une personne parmi les milliers d'autres qui ont dû fuir leur village de l'est de l'Afghanistan au cours de l'année écoulée.

Pour chacune d'entre elles, la vie est en suspens. Elles ne perdent cependant pas espoir. « Si nous le pouvions, nous rentrerions demain. Nous reconstruirions nos maisons et reprendrions nos vies là où elles se sont arrêtées », expliquent les hommes tandis qu'ils s'apprêtent à retourner à Achin. « Mais nous devons attendre. Rentrer maintenant équivaudrait à signer notre arrêt de mort. »