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Cameroun : « accès plus sûr » en faveur des personnes touchées par le conflit

La situation sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans l'extrême nord du Cameroun s'est détériorée. En prévision des importantes opérations d'aide qui seront menées en coopération avec le CICR, il est essentiel que la Croix-Rouge camerounaise travaille à la bonne acceptation de l'organisation humanitaire. Le CICR a tenu un atelier de trois jours et demi pour une vingtaine de cadres. Gisandre Rivière, qui a co-animé cette rencontre, nous explique les buts d'un tel atelier.

Que signifie concrètement un atelier sur un « accès plus sûr » ?

Il s'agit d'un échange d'idées avec les cadres de la Croix-Rouge afin d'entreprendre des actions visant à améliorer le niveau d'acceptation et la sécurité de l'organisation humanitaire et plus largement de tous les acteurs du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Il est capital que les autorités, la population, les forces et groupes armés nous connaissent, qu'ils comprennent notre rôle, et qu'ils nous acceptent. Ces ateliers devraient nous permettre d'accroître l'accès aux personnes ayant besoin d'aide.

Au Cameroun, nous venons d'inviter des présidents, des secrétaires départementaux et des responsables 'urgence' de comités départementaux dans l'extrême nord du pays, le Mayo Sava, le Mayo Tsanaga, Logone, Chari et Diamarré. Ces régions subissent les conséquences du conflit qui sévit au Nigéria et doivent accueillir de nombreux déplacés et réfugiés. Au vu du potentiel de violence dans les zones frontalières, il est primordial que la Croix-Rouge puisse atteindre les personnes touchées en toute sécurité et qu'elle soit respectée.

Comment de déroule un tel atelier ?

Une collègue de Genève est venue nous aider. Nous procédons tout d'abord à un échange d'idées sur les situations au cours desquelles nous avons rencontré des problèmes de sécurité. Par exemple, un participant a rapporté qu'une équipe de la Croix-Rouge avait été arrêtée à un 'check point' militaire et que ses membres avaient dû montrer leurs pièces d'identité, les papiers du véhicule et expliquer longuement la raison de leur présence. C'est une situation typique qui prouve la méconnaissance de l'action de la Croix-Rouge.

Les participants apprennent à mener une réflexion sur le contexte et sur les actions à entreprendre pour être compris et acceptés, et ainsi augmenter leur accès aux personnes ayant besoin d'aide. Dans le cas que je mentionne, il s'agit d'être en contact avec les membres de la communauté et d'expliquer aux autorités ce qu'est la Croix-Rouge, son action et les principes qui régissent son action. Sur la base de tels exemples, des travaux de groupe ont ensuite été réalisés afin d'établir un plan pour améliorer l'accès aux personnes dans le besoin.

Pourquoi organiser un tel atelier maintenant ?

Il est devenu de plus en plus nécessaire de travailler dans l'extrême nord du Cameroun compte tenu des besoins humanitaires, mais ce travail est ardu en raison des conséquences sécuritaires liées au conflit au Nigéria. Nous prévoyons d'apporter très prochainement une aide significative, notamment sous la forme de distribution d'articles de première nécessité et de rations alimentaires, à des dizaines de milliers de personnes déplacées, ainsi qu'aux communautés d'accueil. Pour distribuer cette aide, les volontaires de la Croix-Rouge camerounaise travailleront avec nous, et il est fondamental que nous soyons acceptés. Notre sécurité est vitale si nous voulons pouvoir aider les personnes démunies.

À cette fin, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a développé un cadre théorique pour « un accès plus sûr ». De quoi s'agit-il ?

Il s'agit d'un module qui s'articule autour de plusieurs axes : évaluation du contexte et des risques, bases juridiques pour le travail de la Croix-Rouge dans un pays, recommandations pour le recrutement des employés et des volontaires, identité visuelle, communication interne et externe. Bref, c'est une sorte de boîte à outils pour travailler à l'acceptation (https://www.icrc.org/fr/saferaccess) – une démarche tout à fait pertinente pour la situation que nous vivons actuellement au Cameroun.

Dans l'extrême nord du pays, depuis le début de l'année, le CICR a également :

  • renforcé les capacités de la Croix-Rouge dans le domaine des premiers secours en menant une mission d'évaluation dans le nord, à Maroua, du 12 mars au 2 avril. Quelque 43 secouristes de Mora, Mokolo, Kousséri de Diamaré ont reçu une formation de perfectionnement, et 26 personnes ont appris les bases des premiers secours pour former la population ;
  • visité la prison de Maroua pour veiller au respect des conditions de détention conformément aux standards internationaux ;
  • formé dix volontaires de la Croix-Rouge aux activités de rétablissements des liens familiaux ;
  • formé neuf volontaires de la Croix-Rouge aux activités de communication ;
  • formé des journalistes de deux radios sur notamment le rôle des médias dans les situations de conflits armés et de violence et la sécurité du journaliste ;
  • maintenu un dialogue avec les forces de défense et de sécurité camerounaises opérant dans l'extrême nord du pays afin de renforcer la connaissance et le respect du droit international humanitaire ;
  • enregistré, avec les volontaires de la Croix-Rouge, 14 enfants réfugiés nigérians séparés de leur famille.