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Cameroun : portraits de femmes déplacées internes

Depuis 2014, la crise du Lac Tchad a affecté les populations de l'Extrême-Nord du Cameroun, dont les habitants ont fui par centaines de milliers, principalement à l'intérieur du pays. Depuis la fin de 2016, les populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont également victimes d’attaques armées, et beaucoup d’entre elles ont dû se déplacer du fait de la violence et de l’insécurité.
Parmi ces personnes on compte de nombreuses femmes. Courageuses, elles luttent tous les jours pour leur propre survie et pour celle de leur famille. Nous sommes allés à leur rencontre.

Au Cameroun, la crise anglophone...

Depuis 2016, les violences armées qui affectent les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes. Parmi elles, Séraphine, Victorine et Dayan. Ayant tout perdu et forcées de fuir, elles se battent pour reconstruire leur vie et prendre soin de leurs proches.

Séraphine, 20 ans.

Séraphine a 20 ans et vivait à Bamenda lorsque la crise anglophone a débuté. Il était devenu dangereux de se rendre dans les écoles en raison des attaques répétées. Inquiets, ses parents ont choisi de l'envoyer à Yaoundé avec ses trois sœurs ainsi que son frère. Séraphine, en plus de poursuivre ses études devait également prendre soin de la fratrie. Une période difficile pour la jeune femme, livrée à elle-même.

Nos équipes lui ont apporté une assistance financière pour l’aider à subvenir à ses besoins et à ceux de ses petits frères. Courageuse, elle s’est lancée dans un petit commerce et vend des beignets. Et ce, sans pour autant laisser tomber ses études.

Daniel Beloumou/CICR

Seraphine (à droite) et sa soeur Clementine (à gauche) toutes originaires de Bamenda. Les 2 soeurs préparent la pâte à beignets. Quartier Etoug-Ebé/Cameroun Juin 2021.

Victorine, 34 ans.

Victorine a aussi fui la région du Nord-Ouest du Cameroun pour s’installer à Douala. Dans le village où elle vivait, elle avait été violée par des hommes armés et était tombée enceinte. Elle a accouché de triplés dont elle peine à s’occuper par manque de moyens. D’ailleurs, elle ne pouvait pas envoyer ses enfants à l’école, faute d’argent.

Mais cette mère-courage n’a pas baissé les bras et elle a dispensé les premiers cours élémentaires à ses enfants : écriture, calcul, lecture. Elle se rapprochait des enfants du voisinage pour voir ce qu’ils avaient appris à l’école et s’appliquait à l’expliquer ensuite à ses enfants. Quand le CICR lui a octroyé une assistance en cash, elle a pu réaliser deux de ses rêves : inscrire ses enfants à l’école et ouvrir son salon de coiffure.

Daniel Beloumou/CICR

Je donne des cours à la maison à mes triplés. Je leur ai dit que tous les parents le faisaient comme ça. C’est ça leur « école ». Douala, Cameroun. Juillet 2021.

Dayan, 19 ans

En 2016, lorsque la crise anglophone a commencé au Cameroun, Dayan était élève en classe de cinquième à Muyuka, dans la région du Sud-Ouest. À cause de l’insécurité, elle a dû arrêter d’aller à l’école de 2016 à 2018. En 2019, forcée de fuir, elle s’installe à Douala chez sa mère. Mais son répit sera de courte durée puisqu’un an après, celle-ci décède. À seulement 19 ans, Dayan a la charge de ses deux sœurs cadettes.

Aujourd’hui en classe de terminale, Dayan rêve de devenir comptable. Afin de la soutenir, le CICR prend en charge son loyer et lui verse une assistance mensuelle pour ses petites sœurs jumelles et elle-même.

Daniel Beloumou/CICR

"Ma mère était comme Dieu pour moi. Elle est morte dans mes bras l'an dernier, je pense à elle tous les jours." Dayan. Douala, Cameroun, Juin 2021.

Un conflit armé dans la région de l'Extrême-Nord frontière au Lac-Tchad...

Dans la région du Lac Tchad, les populations sont affectées par une crise humanitaire qui a commencé au Nigéria, avant de s'étendre au Cameroun, au Tchad et au Niger. Depuis 2014, les violences armées se sont multipliées à l'Extrême-Nord du Cameroun, occasionnant le déplacement de centaines de milliers de personnes comme Maïramou, Hadidja et Falta.

Maïramou, 35 ans.

Maïramou a dû elle aussi quitter sa maison pour sauver sa vie. Partie d’Amchidé, elle a rejoint Maroua pour fuir les conséquences de la crise du Lac Tchad. Pendant plusieurs semaines, elle a vécu sans abri.

« Lorsque je suis arrivée à Maroua en 2014, je ne connaissais personne... En journée, mon bébé attaché dans le dos, j’allais faire la plonge dans les restaurants situés dans le centre-ville. Sans abri, je dormais avec lui près d’une station-service ».

Aujourd’hui, Maïramou a 3 enfants. Avec l’appui financier du CICR, elle a commencé un petit commerce.

Daniel Beloumou/CICR

Maïramou (foulard rouge) et ses enfants, devant son studio. Maroua, Cameroun. Juillet 2021.

Hadidja, 48 ans.

Hadidja est mère de six enfants. Avant, c’est à Amchidé à l’Extrême-Nord du Cameroun, qu’elle vivait. Son mari était guérisseur traditionnel et elle-même vendait des beignets.

« Nous ne manquions de rien dans notre petite maison »

À cause de la crise du Lac Tchad, les villages voisins ont été attaqués et l’activité de Hadidja a été affectée. Puis, c’est son village qui a fait l’objet d’attaques. Dans sa fuite pour sauver sa vie et celle de ses enfants, Hadidja a perdu la trace de son mari. Il y a quelque temps, elle a appris qu’il vivait au Tchad voisin mais, sans activité, il refusait de rentrer pour ne pas être une autre bouche à nourrir pour sa femme.

Daniel Beloumou/CICR

Hadidja, en compagnie d'une de ses filles devant leur studio. Maroua, Cameroun. Juillet 2021.

Falta, 27 ans.

Enfin, Falta était enceinte de son second enfant lorsqu’elle a été obligée de fuir les violences qui atteignaient son village, à l’Extrême-Nord du Cameroun. C’était en 2014. Depuis, elle est sans nouvelles de son mari, seul soutien de la petite famille.

Avec le temps, Falta a appris à subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Le CICR lui a offert une machine à coudre pour lancer son activité. C’est désormais grâce à son talent de couturière qu’elle gagne sa vie.

Daniel Beloumou/CICR

Falta Oumar 27 ans, dans une rue de Maroua tenant sa machine à coudre. Maroua, Cameroun. Juillet 2021.

Séraphine, Victorine, Dayan, Maïramou, Hadidja,et Falta ont en commun leur triste histoire mais aussi, la force qu'elles trouvent pour reconstruire leur petit monde, petit à petit. Un projet à la fois.

En 2021 le CICR a apporté une assistance économique à plus de 15 000 ménages affectés par le conflit armé à l'Extrême Nord-Nord du Cameroun ou par les violences armées au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du pays. Cette assistance économique, sous forme de cash, permet de mettre en œuvre des activités génératrices de revenus. Un suivi post distribution permet de s'assurer que les fonds sont utilisés conformément aux objectifs définis.