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Conflit en Libye : le Covid-19 assèche les sources de revenus

« Nous ne nous y attendions pas. Je me réveille chaque matin sans savoir comment nous survivrons jusqu’au lendemain. »

Il y a quatre ans, la maison de Zainab a été incendiée dans les combats qui ont ravagé l'ouest de la Libye. Contrainte de fuir et de déménager régulièrement depuis plusieurs années, la famille venait tout juste de prendre ses marques dans un nouvel endroit quand le Covid-19 est apparu, mettant de nouveau en péril la survie de Zainab et des siens.

« Au début de l'année, j'ai commencé à me dire que la vie nous souriait enfin, à mon mari et à moi. Malheureusement, deux mois plus tard, cette joie est une fois de plus partie en fumée », raconte Zainab. « Le propriétaire du magasin où mon mari travaillait a fermé boutique pour aller combattre au front. L'hôpital où j'étais réceptionniste a décidé de licencier plusieurs employés, dont moi, pour réduire les dépenses engendrées par le Covid-19. »

Zainab et son mari sont sans emploi depuis près de deux mois. Ils n'ont pas les moyens de payer un loyer et ne peuvent s'offrir que des produits de toute première nécessité.


« Nous essayons de couvrir les dépenses quotidiennes par n'importe quel moyen », explique Zainab.

 « Mon mari part tous les matins chercher du travail pour la journée, peu importe combien on le paie. Nous avons aussi des voisins très généreux qui nous aident autant qu'ils peuvent. »

En Libye, le Covid-19 vient s'ajouter à des années de conflit qui sont à l'origine de la perturbation des services publics et de la disparition d'un grand nombre de possibilités d'emploi. De plus en plus de gens perdent leurs moyens de subsistance et leurs revenus, et souvent, les employés ne touchent pas leur salaire pendant des mois.

En mai, 85 % des personnes interrogées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont indiqué qu'elles n'avaient pas d'économies pour faire face à la crise, tandis que 52 % ont déclaré que leurs moyens de subsistance avaient été mis à mal en raison du Covid-19, ce qui avait entraîné une baisse de leurs revenus.

Dans les régions reculées, comme dans le sud de la Libye, les conséquences sont effarantes. Suite à la récente augmentation du nombre de cas de Covid-19 déclarés, la ville de Sabha a été placée en confinement – une mesure stricte de plus parmi celles déjà en vigueur, qui aggrave la situation des salariés journaliers et des petits entrepreneurs.

À Ghat, plus au sud, bon nombre de petites entreprises ont fermé et licencié leurs employés. Ramadan Baba Amr dirige un petit centre de formation en informatique qui propose également des services de numérisation et d'impression. Si le confinement se prolonge, il craint de devoir se séparer d'une partie de son personnel.

« J'ai dû annuler tous les contrats avec les formateurs, et si le confinement dure, je vais être obligé de licencier », explique-t-il. « Jusqu'à présent, nous avons pu aider nos 12 salariés et leurs familles avec les économies de trésorerie réalisées en janvier et février, mais nous ne serons pas en mesure de continuer le mois prochain. »

Si leur rôle est important pour freiner la propagation du coronavirus, les mesures restrictives, telles que les couvre-feux et la fermeture des frontières, font aussi monter les prix des aliments de base et d'autres produits essentiels et constituent une menace pour la vie, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des personnes.

 


Une étude de marché a montré qu'en avril, les prix des denrées de base avaient augmenté d'environ 20 % et les prix de certains produits, comme la farine, avaient plus que doublé dans certaines régions. Les prix du lait, des œufs, des légumes et du pain ont également augmenté à mesure que les approvisionnements se sont réduits. Les désinfectants pour les mains, les gants en latex et autres produits permettant de freiner la propagation du virus font cruellement défaut. Dans les régions reculées, il peut même être difficile d'acheminer les marchandises à cause des restrictions de circulation dans le pays.

Le CICR s'efforce de réduire l'impact économique du Covid-19 sur les familles vulnérables et de veiller à ce que les personnes aient accès à des vivres et à d'autres produits de première nécessité.

À Tripoli, le CICR a collaboré avec une entreprise locale pour lancer un service de livraison de vivres et d'articles d'hygiène à 230 familles ayant été déplacées en raison des combats et qui vivent aujourd'hui dans des logements partagés, ou « centres collectifs ». L'objectif est d'aider ces familles à pourvoir à leurs besoins du quotidien tout en limitant l'exposition au virus.

De même, à Sabha, le CICR et le Croissant-Rouge libyen ont distribué des colis alimentaires et des assortiments d'articles d'hygiène à des familles confinées. Bon nombre d'entre elles ont du mal à joindre les deux bouts en l'absence d'un soutien de famille hospitalisé après avoir contracté le Covid-19.

Le CICR aide également les petites entreprises à rester à flot. Avant la crise sanitaire, le CICR accordait des subventions financières aux personnes touchées par le conflit pour les aider à lancer un petit commerce. Or bon nombre de ces commerces ont été perturbés par la cessation d'activité due à l'épidémie, à la suite de quoi le CICR a distribué des subventions supplémentaires en espèces pour les maintenir ouverts. Nargis fait partie des 200 personnes à recevoir une telle subvention. « J'avais l'intention d'agrandir mon affaire en achetant une machine à coudre plus puissante », explique-t-elle. « Lorsque le Covid-19 est apparu, j'ai perdu des revenus, et j'ai dû dépenser ce que j'avais mis de côté pour acheter la machine afin de couvrir les dépenses liées au Ramadan. »

« Quand je pense à mes enfants, j'ai le cœur lourd. »

« Ils sont très jeunes, et je ne suis pas sûre qu'ils comprennent à quel point tout cela est grave. Quand ils nous demandent de leur acheter quelque chose que nous ne pouvons pas nous permettre, ils ne se plaignent même pas. »

Bien que les conséquences économiques du Covid-19 en Libye risquent d'empirer, Zainab espère qu'elle ou son mari pourront reprendre le travail afin de couvrir leurs besoins essentiels et ceux de leurs deux enfants.