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RD Congo : En Ituri, une vie faite d’errance et de violence

Dans la province de l’Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), un nombre effarant de personnes doivent constamment s’enfuir pour échapper aux attaques répétées d’hommes en armes. Jeannette et Brigitte témoignent.

« Quand des hommes armés sont arrivés dans Tchabi, mon village, j'ai fui avec mes quatre enfants pour nous abriter à Boga, à plus de 15 kilomètres », raconte Jeannette Bigabwenda, 30 ans. « Deux mois après, nous étions encore obligés de nous déplacer vers Bukiringi, un autre village. Quand il y a une rumeur d'attaque, on s'en va. »

Jeannette vit désormais avec un traumatisme intense : « Ma première fille, qui était mariée, a été brûlée vive avec son bébé dans sa maison lors de l'attaque de notre village. Mon mari a été enlevé. Nous n'avons aucune nouvelle de lui depuis », raconte-t-elle les larmes aux yeux.

Depuis la fin de fin 2017, la province de l'Ituri est marquée par une recrudescence de la violence, des hommes armés prenant pour cibles la population civile et les services de l'Etat.

Jonathan Busasi Nsalimbi/CICR

Jeannette Bigabwenda, habituée aux travaux des champs, n'a pas trouvé de travail dans la ville de Bunia.

Sans ressources, comment vivre ?

Après avoir changé d'endroits trois fois de suite en trois mois, Jeannette et sa famille ont rejoint la localité de Bogoro dans le sud de la province, grâce au transport offert par des religieux. Un répit de courte durée. « On a appris que Bogoro n'était pas sûr non plus. Alors, nous nous sommes rendus à Bunia », explique Jeannette.

Bunia est la capitale de la province de l'Ituri. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), il y aurait au moins 30 000 personnes déplacées internes dans cette ville. Elles ont toutes fui les atrocités commises par des hommes armés dans les localités avoisinantes.

Dans ce contexte précaire et volatile, des milliers de déplacés peuvent arriver en ville, au gré des attaques dans la région. Certains s'entassent dans des sites surplombant la ville, d'autres trouvent une famille d'accueil.

« Depuis que je suis ici, je n'ai pas peur. Nous dormons paisiblement », rassure Jeannette.

A son arrivée à Bunia, Jeannette est recueillie par les membres d'une église. Mais les conditions d'hébergement sont si précaires qu'elle se remet en quête d'un logement au bout de trois jours.

« J'ai vendu mon matelas encore neuf pour pouvoir louer une maison dans la périphérie de la ville », précise Jeannette. Elle a trouvé une habitation en terre, d'une seule pièce. Mais Jeannette manque toujours de tout. Avec ses enfants, elle passe ses nuits à même le sol. Sans source de revenus, elle ne sait pas comment elle va assurer la suite après avoir payé son premier loyer de 15 euros.

Une action humanitaire entravée

La présence de groupes armés en Ituri ainsi que la multiplication des affrontements à caractère communautaire ont aggravé une situation humanitaire déjà alarmante. Selon OCHA, cette province comptait en juillet 2021 plus de 1,7 million de déplacés internes, dont 14 pour cent se trouvaient dans des sites d'accueil, le reste hébergés par des proches.

Toujours selon l'Organisation des Nations unies, plus de 2,8 millions de personnes connaissaient en juillet 2021 une insécurité alimentaire aiguë dans la province. Des structures médicales et des écoles y sont fréquemment pillées ou détruites, privant des milliers de personnes de soins de santé et d'accès à l'éducation.

Des conditions de sécurité volatiles entravent la réponse des organisations humanitaires qui ne peuvent rejoindre de nombreuses parties de la province en l'absence de garanties données par les groupes armés. Dans ce climat, Il est impossible de répondre aux besoins de la population.

Une insécurité alimentaire en hausse

Si Bunia est considérée comme sûre par ses habitants, la ville et ses environs vivent dans la crainte d'attaques, et la criminalité urbaine, autre problème, est bien réelle. De plus, l'activisme des groupes armés sur les axes routiers et dans les sites de production agricole vient compliquer la vie d'une population très nombreuse, qui doit faire face régulièrement à une pénurie de biens de première nécessité.

Jonathan Busasi Nsalimbi/CICR

Brigitte Toculeba lors d'une distribution de nourriture : « A Tchabi, j’étais enseignante à l’école primaire et je menais une vie normale et heureuse. »

Brigitte Toculeba, déplacée comme Jeannette, doit également affronter l'incertitude du lendemain et les conditions de vie difficiles. Avec un nourrisson de huit mois, elle a fui la violence armée à Tchabi et s'est aussi installée à Bunia, à 135 kilomètres de chez elle. Accueillie par sa tante, Brigitte arrive à peine à joindre les deux bouts.

« Trouver de quoi manger, c'est le plus difficile. Même avec un bébé, il nous arrive de ne manger qu'une seule fois par jour », confie cette mère célibataire. Avant de conclure, pensive : « A Tchabi, j'étais enseignante à l'école primaire et je menais une vie normale et heureuse. »

Notre réponse pour les déplacés en Ituri entre juillet et septembre 2021

  • Distribution de semences à 8 368 ménages résidents et familles d'accueil
  • Assistance en nourriture et biens de ménage à 5 043 familles déplacées à Bunia et dans le territoire d'Irumu.
  • Offre gratuite de contacts téléphoniques à Bunia, Singo et Bogoro, pour les déplacés désireux d'appeler des membres de familles dont ils ont été séparés.
  • Donation de sets de médicaments et matériel de stabilisation à l'Hôpital général de Bunia afin d'assurer la prise en charge des blessés.
  • Soutien ponctuel en santé primaire dans les aires de santé de Singo et de Bogoro, Sota et Nyakunde (y compris la référence au niveau secondaire dans les deux premières), afin d'assurer l'accès aux soins des populations déplacées et vulnérables.
  • Accompagnement en santé mentale mis en place à Singo grâce au renforcement des capacités d'agents psychosociaux d'une association locale.

Le CICR s'était retiré de la province après l'assassinat de six de ses collaborateurs en 2001. Une assistance de cette ampleur est une première pour le CICR en Ituri depuis ce tragique événement.