Éthiopie : "On a détruit ma maison et ma ferme"
La ville de Hadar, dans le sud de l'Éthiopie, se niche au cœur d'un dédale de ruelles bordées de caféiers.
Malgré la grisaille et la pluie fine, le marché est animé car tous les habitants viennent y vendre leurs produits et haranguer les clients. Depuis le début de l'année, Hadar et les villes voisines ont accueilli des centaines de milliers de personnes déplacées venant des régions Oromia et Somali.
« Ceux qui ont toujours une maison, une ferme ou un endroit pour vivre sont rentrés, mais moi, ma maison a été incendiée et ma ferme détruite par des jeunes pendant les affrontements ethniques », explique Aberash Abebe, une mère célibataire de dix enfants.
Elle se rappelle très bien comment tout a commencé. « C'était le matin, j'étais à la ferme quand j'ai entendu du bruit. J'ai tout de suite su qu'il fallait prendre les enfants et partir ».
Avec ses enfants, des voisins et d'autres groupes de personnes vivant à Chiruku, Aberash a parcouru 15 km à pied pour rejoindre Hadar. « J'ai perdu ma maison et tout ce que j'avais, mais le plus dur, c'est que mes enfants ne peuvent plus aller à l'école », dit-elle.
Elle vit encore actuellement avec eux dans une extension du complexe scolaire de la ville. « Nous n'avons pas d'autre choix que de survivre avec les moyens du bord », lâche-t-elle. « Nous partageons le peu de nourriture que nous avons entre nous ».
Déplacements massifs : une crise sans précédent
Aberash fait partie des 1,4 million de personnes qui ont été arrachées à leur foyer en Éthiopie au cours du premier semestre 2018 suite aux affrontements ethniques, le pays connaissant une vague de déplacements internes d'une ampleur inédite. Si certains ont pu emporter quelques affaires, la plupart ont tout laissé derrière eux.
Les affrontements qui ont éclaté le long des frontières du Gedeo (région des nations, nationalités et peuples du Sud) et de Guji Ouest (région Oromia) sont principalement à l'origine de ces déplacements massifs. Pour faire face à cette crise, le CICR a fourni de l'eau potable et des articles ménagers de première nécessité à quelque 150 000 personnes, dont Aberash, qui ont trouvé refuge dans la zone du Gedeo et dorment là où elles peuvent.
Un nouveau départ dans un camp de déplacés
Depuis six mois à Hadar, Aberash tente de gagner sa vie en achetant et en vendant du kocho (une fécule de maïs locale) avec l'argent qu'il lui restait de son ancienne activité.
« Quoi qu'il arrive, je dois être en mesure de nourrir mes enfants », dit-elle. Tout recommencer n'est facile pour personne, mais quand la violence chasse les gens de chez eux, ils n'ont pas d'autre choix que de repartir de zéro.
« Tout ce qu'il me reste, ce sont mes souvenirs », ajoute-t-elle. « Je me suis mariée à Chiruku, tous mes enfants y sont nés. J'aimerais tant pouvoir y retourner un jour, quand la sécurité sera rétablie ».