Khartoum au quotidien : « Une vision de destruction totale »
Alfonso Verdú Pérez est le chef de la délégation du CICR au Soudan. Il nous donne sa vision de la situation sur le terrain et des défis auxquels lui et son équipe sont confrontés au quotidien.
Les mots qui me viennent à l'esprit pour décrire la situation au Soudan sont guerre, conflit et contradiction. Il y a une contradiction entre ce que l'on peut lire dans les médias internationaux à propos des cessez-le-feu et la réalité sur le terrain où, jour après jour et nuit après nuit, nous entendons – et ressentons même physiquement lorsque les murs de notre bureau tremblent – l'intensité des combats.
Nous sommes face à un conflit ouvert et nous nous demandons comment gérer la situation tout en protégeant notre équipe.
Des menaces ont été proférées et des attaques directes menées contre des travailleurs humanitaires, y compris notre partenaire, le Croissant-Rouge soudanais. Il est essentiel que les travailleurs humanitaires puissent accomplir leur mission en toute sécurité si nous voulons être en mesure de répondre aux besoins.
Au Soudan, l'un des problèmes les plus urgents concerne la santé. La santé est une question de vie ou de mort.
Plus de 4 000 civils ont été blessés dans la seule ville de Khartoum et le personnel médical a été durement touché. Les hôpitaux et les dispensaires manquent de fournitures de base et plus de 70% du personnel médical a cessé de travailler. Les infrastructures civiles essentielles, telles que les centrales électriques et les usines de traitement de l'eau, ne fonctionnent pas non plus, privant la population d'accès aux services essentiels.
De la fenêtre de mon bureau, je peux voir la dévastation totale des rues et des routes, témoignage de l'impact du conflit sur les infrastructures civiles de base.
Outre les besoins en matière de santé et les infrastructures civiles endommagées, je tiens à attirer l'attention sur le terrible sort des civils toujours piégés dans la zone de conflit. Des familles, dont des enfants et des personnes âgées, sont bloquées sans eau ni nourriture et appellent à l'aide. Le CICR fait tout ce qui est en son pouvoir pour leur porter secours, mais la situation est extrêmement difficile.
Mercredi, nous avons fait don de médicaments et de fournitures à un hôpital de Khartoum avec notre partenaire, le Croissant-Rouge soudanais. Nous avons dû traverser une ligne de front pour accéder à l'établissement. Les combats en cours compliquent les déplacements des équipes et l'acheminement du matériel autour de Khartoum.
Nous rencontrons également d'importants problèmes de communication. L'état du réseau téléphonique nous empêche parfois de joindre nos collègues pour vérifier qu'ils sont en sécurité. Cela ne facilite pas non plus la coordination de notre action. La semaine dernière, nous avons pu faire venir des médicaments et du personnel supplémentaire, mais il sera essentiel dans les semaines à venir de s'assurer que les dispositifs en place permettent d'accueillir un soutien plus important.
Les défis sont immenses, mais nous espérons livrer davantage de fournitures aux hôpitaux dans les prochains jours. Notre objectif est d'intensifier notre action et de fournir aux Soudanais les services dont ils ont besoin et qu'ils méritent.