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Le personnel des eaux préserve la santé publique malgré la guerre et le Covid-19

Les employés des compagnies des eaux et de l’assainissement font preuve d’un dévouement extraordinaire dans les zones de guerre, qui comptent parmi les contextes les plus difficiles au monde. Leurs efforts passent le plus souvent inaperçus et le coronavirus leur impose maintenant une charge supplémentaire. En tant d’organisation humanitaire, le CICR rend hommage à ces hommes et à ces femmes dévoués - #ourwaterworkers

Avec les conflits qui détruisent l'infrastructure en milieu urbain, les services de santé, d'alimentation en eau et d'électricité sont souvent débordés. Et la propagation rapide du Covid-19 dans les zones urbaines rend encore plus difficile la riposte des autorités locales et des organisations humanitaires. Le personnel des compagnies des eaux joue un rôle majeur en fournissant à la population l'eau dont elle a besoin pour se maintenir en bonne santé, laquelle passe par l'hygiène et la salubrité de l'environnement.

L'eau et la guerre – pas seulement une affaire de canalisations percées

Nous avons tous vu des images de canalisations et de stations de pompage détruites par les obus et les bombes, mais les conflits armés ont aussi des conséquences moins visibles pour l'eau et l'assainissement, surtout quand ils durent pendant des années. Un conflit qui s'éternise pousse le personnel qualifié à partir à la recherche d'un lieu plus sûr et entraîne ainsi un exode des cerveaux. L'équipement, les produits chimiques et les services deviennent introuvables.

Les services publics et les consommateurs sous pression pendant les urgences de santé publique

Comme avec les conflits armés, c'est sur l'impact direct du Covid-19 que s'est fixée l'attention du monde. Mais les effets secondaires deviennent de plus en plus sensibles.

Les restrictions de mouvement, la difficulté d'obtenir ou d'importer l'équipement, le combustible et les produits chimiques essentiels, la hausse des prix des produits encore disponibles, tous ces facteurs menacent les services de base.

Dans certaines zones de conflit, le Covid-19 prive de capitaux essentiels les services de distribution d'eau et d'évacuation des eaux usées car les ménages, sans revenus, ne peuvent pas régler leurs factures d'eau.

Les conséquences peuvent être désastreuses, les coupures d'eau dans des villes comme Taiz et Maiduguri mettant en danger la santé de millions de personnes.

Ces effets secondaires ne menacent pas seulement les services en place mais empêchent aussi d'étendre les services de distribution d'eau et d'évacuation des eaux usées aux communautés qui n'en sont pas pourvues. Pendant la pandémie de Covid-19, comme toujours, ce sont les membres les plus vulnérables de la société qui sont le plus durement touchés – on ne peut pas se laver les mains sans eau.

Ukraine : alimenter en eau la population des deux côtés de la ligne de front

La compagnie Voda Donbassa (les Eaux du Donbass) alimente en eau plus de 5 millions de personnes, fournissant plus de 1300 millions de mètres cubes d'eau par jour aux 300 villes et communes de l'oblast de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, et évacue leurs eaux usées. Plus de 11 000 employés font fonctionner et maintiennent en état une infrastructure vieillissante, datant le plus souvent de l'époque soviétique, qui comprend 18 stations de filtrage, 55 stations de pompage principales, 130 km de canaux et des milliers de kilomètres de tuyaux.

Faute de fonds affectés aux réparations et à la rénovation de l'équipement, il était déjà difficile de maintenir les services essentiels mais, avec le conflit qui traîne depuis 2014, les choses ont empiré. Une grande partie de l'infrastructure de base passe à maintes reprises de part et d'autre de la « ligne de contact ».

Non seulement les tirs d'obus ont endommagé l'infrastructure, mais en outre les installations situées dans la zone de conflit sont difficiles d'accès, le matériel et l'équipement de réparation manquent, de même que les fonds nécessaires au financement des opérations. Malgré tous ces obstacles, Voda Donbassa continue d'approvisionner en eau les populations habitant de part et d'autre de la ligne.

Cette année, le Covid-19 a rajouté une couche de difficulté supplémentaire aux efforts pour maintenir les services en état et assurer la sécurité du personnel et du public.

 

Victor Zavodovskiy est directeur des investissements à Voda Donbassa. « Avec les restrictions liées au confinement, les équipes de réparation ne peuvent pas franchir la ligne de contact ; il faut donc doubler les équipes et l'équipement pour pouvoir réparer, ce qui ponctionne encore des ressources déjà limitées. » Les transports et la distanciation physique sont aussi difficiles.

« Les moyens de transport sûrs que peuvent emprunter les ouvriers pour se rendre dans les installations proches de la ligne de front sont limités, de sorte que la distance physique ne peut pas toujours être respectée et qu'ils se mettent en danger. »

Syrie : grâce au travail d'équipe, la population a l'eau dont elle a besoin

La riposte du gouvernement syrien au Covid-19 a réduit les effectifs de la Compagnie des eaux du Grand Damas (DAWSSA) à moins de 5 % des 4 000 personnes qu'elle compte habituellement.

Les employés qui restent voient leurs mouvements sévèrement restreints, ce qui a eu des répercussions sur la maintenance, les réparations et la distribution des produits de désinfection de l'eau et compromis l'arrivée d'eau et l'hygiène dans les zones urbaines les plus peuplées. Le personnel de bureau n'est pas équipé pour travailler à domicile, ce qui rend difficile le contrôle d'un système complexe d'alimentation en eau en période de confinement.

L'approvisionnement en eau des zones confinées telles que Sayedeh Zeinab, Ras al-Muarra et Jdaidet al-Fadl est une priorité absolue car l'hygiène en dépend. À Dara'a et dans d'autres villes du sud, les compagnies des eaux font de leur mieux pour que les installations tournent, malgré les restrictions dues au Covid-19 et l'insécurité croissante.

Pour soutenir l'activité de la DAWSSA, des volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien se servent de l'équipement fourni par le CICR pour désinfecter les installations publiques, les bâtiments et les zones. Les volontaires se sont attachés aussi à promouvoir l'hygiène et la santé publique dans les zones très peuplées et les lieux vulnérables tels que les centres pour déplacés internes.

À eux deux, le Croissant-Rouge arabe syrien et le CICR remplissent plus de 300 citernes par jour, alimentant en eau 300 000 personnes dans la Ghouta orientale, et désinfectent les équipements de transport d'eau, qui se fait par camion, et les alentours des citernes.

 

Iraq : l'eau continue de couler à Mossoul

À Mossoul, les combats ont cessé fin 2017, mais la reprise est encore à peine sensible en ville. La Direction des eaux (DoW) doit à présent relever un double défi : rétablir les services et faire face au Covid-19. Le directeur, l'ingénieur Muaed, doit se contenter d'un personnel très restreint. « Nous avons réussi à faire marcher les usines de traitement de l'eau et les stations de pompage 24 heures sur 24 pour que la population ait de l'eau potable mais les heures de travail des employés sont maintenant réduites de 75 % et nous manquons de fonds pour la maintenance et l'exploitation courante. »

« Nous devons non seulement fournir nos services mais aussi stériliser tous nos bureaux et nos unités de production pour assurer la sécurité de notre personnel et de nos clients. » La DoW a distribué à ses employés des masques et des gants (donnés par le CICR et d'autres institutions). Le CICR a fait don de colis alimentaires au personnel temporaire de Mossoul, qui n'a pas touché de salaire depuis plus de six mois. Mais malgré les difficultés, la DoW a installé une canalisation qui alimente maintenant en eau le nouveau centre de quarantaine de Mossoul.

 

République centrafricaine : fournir de l'eau malgré fermetures de frontières et pénuries de personnel

La SODECA, ou Société de distribution d'eau de Centrafrique, est l'entreprise publique qui distribue l'eau potable aux ménages en République centrafricaine (RCA). Son directeur technique, Eric Megalos-Dima, explique certains des défis qu'elle doit relever dans sa riposte au Covid-19. « Pour maintenir la qualité de l'eau en conformité avec les normes de l'OMS, nous avons besoin de certains produits chimiques. La RCA ne les produisant pas, nous devons les importer, principalement du Cameroun. Mais la frontière entre le Cameroun et la RCA était fermée pendant la crise ; l'acquisition des produits en question a donc été un casse-tête. »

La SODECA a vu ses revenus chuter parce que les gens ne pouvaient pas se rendre dans ses bureaux pour régler leurs factures d'eau. La sécurité et le bien-être du personnel sont aussi très importants. « Nos employés sont en contact direct avec les clients et avec l'eau », explique Megalos-Dima, « ils risquent donc d'être contaminés par le virus. Nous ne pouvons pas leur offrir de se faire tester, de sorte que certains ne sont pas venus travailler parce qu'ils avaient peur, et d'autres parce qu'ils avaient des symptômes et ne voulaient pas propager la maladie. Cela a réduit nos capacités de service. »

 

Les compagnies des eaux continuent de servir le public, malgré tous les obstacles

Dans les pays en proie à un conflit, les employés des compagnies des eaux jouent un rôle vital dans la prévention de la propagation de la maladie. C'est la moindre des choses que de saluer leurs efforts si l'on veut faire comprendre à chacun l'importance du secteur de l'eau. Ni le conflit ni le Covid-19 ne devrait priver les populations de l'eau dont elles ont besoin pour boire, faire leur toilette, laver et nettoyer. Les compagnies des eaux et leurs employés doivent pouvoir continuer à faire leur travail.

Le Covid-19 ne sera pas la dernière urgence de santé publique. Nous devons agir dès à présent pour être prêts pour demain.

 

Pour en savoir plus, lisez l'Appel à l'action des dirigeants mondiaux contre la COVID-19.

Et téléchargez ce pdf : COVID-19 : Atténuer les impacts socioéconomiques sur le secteur EHA (eau, hygiène et assainissement)

En réponse à la campagne lancée par Global Water Intelligence (GWI) intitulée #ourwaterworkers, le CICR recueille des témoignages de ses partenaires locaux – les compagnies des eaux – dans plusieurs des contextes dans lesquels il travaille. En savoir plus sur la Campagne GWI.