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Liban : chirurgie reconstructive pour les blessés par arme

Les deux interventions réalisées aujourd'hui au Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli géré par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) constituent une première. Richard Gosselin, chirurgien au service du CICR depuis un quart de siècle, livre ses impressions au sortir de la salle d'opération.

En quoi des opérations comme celles-ci sont-elles exceptionnelles pour le CICR ?

En règle générale, le CICR prend en charge des personnes présentant des blessures par arme survenues récemment. Les deux opérations que nous avons réalisées aujourd'hui, si elles n'ont en soi rien d'exceptionnel dans la mesure où il s'en pratique tous les jours presque partout dans le monde, sortent de l'ordinaire s'agissant de la pratique du CICR. C'est en effet la première fois que nous intervenons chirurgicalement dans le cas de blessures anciennes ayant entraîné de graves complications. Nous sommes aujourd'hui en mesure de le faire, car nous disposons depuis peu de technologies qui nous étaient jusque-là inaccessibles.

Pouvez-vous nous donner davantage de détails sur les interventions d'aujourd'hui ?

Le premier patient souffrait de lésions graves à la hanche qu'on ne pouvait traiter efficacement sans le recours à une prothèse. Au CICR, nous n'avions jusqu'ici jamais pratiqué la chirurgie de remplacement de la hanche, une opération qui demande un dispositif spécialisé. Il nous a donc fallu nous procurer les équipements, le matériel et les implants adéquats. En fait, nous avons dû partir de zéro.

Quant au second patient, il a subi une arthroscopie, une technique chirurgicale qui consiste à introduire une caméra dans le genou, ce qui permet d'intervenir directement dans l'articulation grâce aux images qui apparaissent sur l'écran TV. Ce genre d'intervention exige un équipement sophistiqué auquel nous avons heureusement désormais accès.

Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli. Préparatifs pour l'opération du second patient /CC BY-NC-ND/ICRC/V. Fadeev

Si ces deux interventions ne sont en soi pas très compliquées, c'est la première fois cependant que nous les réalisons dans ce centre, où d'autres patients souffrant de pathologies plus compliquées attendent également de pouvoir être opérés.

Combien de patients avez-vous au centre, et quels types de pathologies présentent-ils ?

Nous avons actuellement une vingtaine de patients. La plupart d'entre eux souffrent de complications chroniques dues à des blessures diverses, parfois imputables à des soins initiaux inappropriés. Nous avons par exemple le cas d'une dame âgée qui a été blessée il y a trois ans en Syrie, mais qui n'a pas été correctement prise en charge sur place. Sinon, hier, nous avons admis une petite Syrienne de 9 ans qui avait été touchée par un balle perdue deux semaines auparavant à la frontière syro-libanaise.

La majorité de nos patients viennent de Syrie. Nous avons aussi deux Libanais blessés lors des affrontements dont Tripoli a été le théâtre l'année dernière, ainsi qu'un patient palestinien.

Le Centre de formation en traumatologie balistique, qui a ouvert ses portes en septembre 2014, offre une prise en charge chirurgicale à des personnes souffrant de blessures par arme, notamment dans les domaines de la chirurgie reconstructive et de la réadaptation physique. Il a aussi pour vocation de transmettre le savoir-faire acquis par le CICR en la matière à des chirurgiens et d'autres professionnels de la santé locaux. Depuis sa création, environ 140 patients y ont été admis et plus de 170 opérations réalisées.