Déclaration

Mesures visant à éliminer le terrorisme international - déclaration du CICR aux Nations Unies

Assemblée générale des Nations Unies, 72e session, Sixième Commission. Débat général sur la question des « Mesures visant à éliminer le terrorisme international », point 109 de l'ordre du jour, déclaration du CICR, New York, Octobre 2017.

Le terrorisme nie le principe fondamental d'humanité et va à l’encontre des objectifs essentiels du droit international, et notamment du droit international humanitaire (DIH). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) condamne tous les actes de terrorisme, qu'ils soient commis dans le cadre ou en dehors d'un conflit armé et quels qu’en soient les auteurs, et il est alarmé par les effets gravement préjudiciables de ces actes pour les pays, les communautés et les individus.

La montée du terrorisme est une préoccupation croissante tant sur le plan national qu’international. Cette situation a conduit les États et des organisations internationales telles que l'Organisation des Nations Unies à réagir en renforçant leurs capacités de lutte antiterroriste.

Le CICR reconnaît la légitimité des États à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et éliminer le terrorisme. Il faut néanmoins que ces mesures respectent les règles protégeant la vie et la dignité humaines.

À notre avis, la communauté internationale se doit de suivre une ligne claire et ferme quant à la nécessité de mener les activités de lutte antiterroriste en respectant pleinement la protection accordée à toute personne par le droit international, en particulier le DIH et le droit international des droits de l'homme. C'est également vrai pour les personnes arrêtées et détenues en rapport avec le terrorisme, y compris celles qui sont qualifiées de « combattants étrangers ». Leur détention doit toujours, sous tous ses aspects, être conforme à la législation et aux normes internationales pertinentes, notamment aux règles du droit international humanitaire quand elles s'appliquent. Des organismes de contrôle indépendants et impartiaux tels que le CICR devraient se voir accorder l'accès à ces personnes, de façon à pouvoir aider les autorités détentrices à faire en sorte qu’elles soient traitées avec humanité et dans le respect du droit et des normes internationales pertinentes.

Il est aussi dans l'intérêt de la communauté internationale de veiller au respect de la protection prévue par les règles juridiques applicables, puisque l’on s’accorde de plus en plus à reconnaître aujourd’hui que les violations de ces règles peuvent exacerber le phénomène que la lutte antiterroriste vise précisément à combattre.

Les efforts déployés pour combattre le terrorisme ont par ailleurs relancé l'examen par les États du projet de convention générale sur le terrorisme international élaboré par l'ONU. Dans la mesure où les conflits armés peuvent être inclus dans le champ d'application de la convention, le CICR juge essentiel d'incorporer dans le projet une disposition précisant la relation de cet instrument avec le DIH. Une telle disposition serait non seulement l'unique moyen de limiter autant que possible les chevauchements et les contradictions entre le projet de convention générale et le droit international humanitaire, mais serait également d’une importance cruciale pour préserver la raison d’être, l’intégrité et la pertinence de ce corps de droit.

Le projet de convention générale ne devrait pas, en particulier, ériger en crimes des actes que le DIH n’interdit pas dans les conflits armés, par exemple le fait d'attaquer des objectifs militaires ou des personnes ne bénéficiant pas d’une protection contre des attaques directes. Pour le CICR, tout accord concernant les dispositions du projet de convention générale sur le terrorisme international doit être compatible avec les principes fondamentaux et les définitions du DIH.

À diverses occasions depuis 2011, le CICR a souligné les effets néfastes que peuvent avoir sur l'action humanitaire les mesures de lutte antiterroriste prises par les États, tant au niveau international que national. Ces mesures, notamment dans le domaine du droit  pénal, devraient être élaborées de façon à ne pas compromettre ni entraver l'action humanitaire – y compris le dialogue sur des questions humanitaires avec les groupes armés non étatiques, même quand ils sont désignés comme « terroristes ».

Les activités à caractère exclusivement humanitaire et impartial devraient être exclues du champ d'application des lois pénales relatives au terrorisme. Pour nous, cette exclusion ‒ appelée aussi « exemption humanitaire » ‒ serait conforme à la lettre et à l'esprit du DIH et, de ce fait, compatible avec les obligations des États au regard de ce droit. Ne pas exclure ces activités des dispositions de la législation pénale relative au terrorisme sous-entendrait un rejet de la notion d'action humanitaire neutre, indépendante et impartiale, approche que le CICR s'efforce de promouvoir dans ses activités opérationnelles sur le terrain. Cela pourrait aussi compromettre la mission d’organisations humanitaires impartiales chargées de protéger et d'aider les personnes touchées par les conflits armés, en particulier dans les zones contrôlées par des groupes armés non étatiques.