Déclaration

Pourquoi les États doivent signer et ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires : appel à l’humanité

Allocution de M. Peter Maurer, président du CICR, à la cérémonie de signature du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. 26 septembre 2018, Organisation des Nations Unies, New York.

Il y a 14 mois, 122 États ont courageusement franchi une étape historique sur la voie de l'élimination de l'arme la plus terrifiante jamais inventée.

Ils ont adopté le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, convaincus par les preuves accablantes des immenses souffrances que causerait l'utilisation de ces armes en raison de leurs effets immédiats et à long terme sur les populations, les sociétés, les systèmes de santé et l'environnement.

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ne peut qu'attester à quel point les conséquences des armes nucléaires sont désastreuses sur le plan humanitaire. De fait, le CICR et la Société de la Croix-Rouge du Japon en furent les témoins directs alors qu'ils tentaient de porter secours aux blessés qui agonisaient dans les ruines d'Hiroshima et de Nagasaki en 1945.

Les explosions nucléaires avaient rasé deux villes entières, emportant dans leur souffle des dizaines de milliers de vies et toutes les infrastructures médicales. Ceux qui avaient survécu, quant à eux, durent affronter des conditions épouvantables.

Empoisonnés par les radiations, ils furent encore des dizaines de milliers d'autres à périr dans les années qui suivirent. Plus de 70 ans se sont désormais écoulés et les hôpitaux de la Croix-Rouge du Japon continuent de soigner des milliers de personnes irradiées et leurs descendants.

Le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires représente une lueur d'espoir : l'espoir qu'un jour, l'humanité échappera au spectre d'une guerre nucléaire, dont nous savons pertinemment qu'elle entraînerait des souffrances inimaginables.

Ce traité constitue une étape essentielle et attendue de longue date vers un monde sans armes nucléaires. À l'instar des armes chimiques et biologiques, il faut ôter toute légitimité aux armes nucléaires pour être en mesure de les éliminer.

Le Traité constitue une base solide pour atteindre cet objectif :

  • parce qu'il interdit explicitement et totalement les armes nucléaires, il renforce le tabou qui pèse sur leur emploi et vient renforcer les arguments contre leur prolifération ;
  • parce qu'il montre les voies à suivre pour parvenir à leur élimination, il représente une étape concrète vers la mise en œuvre des obligations en matière de désarmement nucléaire qui sont déjà en vigueur, notamment celles fixées par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Si celui-ci demeure une pierre angulaire des efforts de désarmement, il a cruellement besoin pour rester crédible d'avancées réelles sur le plan des obligations de désarmement qu'il impose ;
  • enfin, parce qu'il prévoit une assistance aux victimes de l'utilisation ou de la mise à l'essai d'armes nucléaires, ainsi que la remise en état des environnements contaminés, le Traité reconnaît qu'il incombe aux États de protéger toute forme de vie exposée aux effets de ces armes terrifiantes.

Pour porter ses fruits, il est à présent crucial que le Traité soit appliqué en tant que nouvelle norme du droit international humanitaire et ce, avec le soutien le plus large possible.

En signant et en ratifiant le Traité, les États proclament sans équivoque que le fait d'utiliser, de menacer d'utiliser ou de posséder ces armes est inacceptable d'un point de vue humanitaire, moral et, désormais, juridique.

Aujourd'hui, ce message est plus important que jamais. Le risque que ces armes soient à nouveau employées est effroyablement élevé et des responsables politiques de premier plan n'hésitent plus à menacer d'y avoir recours.

En avril, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a lancé cette mise en garde : « La guerre froide est de retour [...] avec une différence, puisque les mécanismes de sauvegarde destinés à gérer les risques d'escalade qui existaient alors semblent avoir disparu. »

Aujourd'hui, les États détenteurs d'armes nucléaires modernisent leur arsenal de façon à pouvoir les utiliser dans les contextes les plus variés.

Pourtant, les armes nucléaires – dont l'utilisation, même à petite échelle, aurait des conséquences catastrophiques et durables sur le plan humanitaire – ne sauraient être considérées comme des instruments crédibles d'une politique de sécurité. Au contraire, la plupart des États les voient aujourd'hui comme une cause d'insécurité majeure pour leur population et les générations futures.

Seules des avancées dans le désarmement nucléaire pourront apporter une vraie sécurité ; et ces avancées doivent être accomplies de toute urgence. De fait, le désarmement nucléaire est un impératif humanitaire.

En signant et en ratifiant le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, les États s'acquittent de leur responsabilité de protéger l'humanité contre les catastrophes nucléaires et adoptent une vision de la sécurité débarrassée de l'arme nucléaire, une sécurité plus pérenne et plus humaine.

Il en va de notre humanité commune, de notre survie et de celle des générations futures.