Article

Soudan : « J’avais si peur pour le bébé que je n’ai aucun souvenir de la route »

Chaque jour, des centaines de réfugiés éthiopiens continuent d'affluer au Soudan. Ils sont épuisés et effrayés, n'ayant pas emporté grand-chose d'autre que les vêtements qu'ils ont sur le dos. Les collectivités locales soudanaises font preuve d'une solidarité incroyable en partageant avec eux le peu de ressources qu'elles ont, tandis que les autorités et les organisations d'aide s'emploient à étendre leurs services touchant l'alimentation, l'hébergement, l'approvisionnement en eau et les soins médicaux.

Photos et récits de réfugiés éthiopiens qui ont fui le Tigré pour le Soudan, par le photographe Olivier Jobard de l'agence Myop.

Olivier Jobard/MYOP/CICR

À Hamyadet, petite ville proche de la frontière, une femme qui a fui les combats au TIgré est prise en charge par un soignant du Croissant-Rouge soudanais. Parmi ceux que reçoit le personnel soignant du Croissant-Rouge soudanais, beaucoup souffrent de maladies comme le paludisme ou ont été blessés dans les combats.

Olivier Jobard/MYOP/CICR

Un préposé du Croissant-Rouge soudanais enregistre les réfugiés qui viennent de franchir la frontière. En fuyant, beaucoup d'entre eux ont perdu le contact avec les leurs et s'inquiètent de leur sort.

Bien que manquant du nécessaire à bien des égards, de nombreux réfugiés ont un désir encore plus pressant : joindre leurs proches pour savoir s'ils sont en sécurité et en bonne santé. Beaucoup ont été séparés de leur famille au moment où ils se sont enfuis, à cause du chaos qui régnait alors, tandis que d'autres sont sans nouvelles de leurs proches parce que les liaisons téléphoniques et communications Internet sont hors service sur une partie de l'État du Tigré.

Olivier Jobard/MYOP/CICR

De jeunes garçons se rassemblent au point de distribution d'eau d'Hamdayet, petite ville sise sur la rivière qui sépare le Soudan de l'Éthiopie. L'accès aux installations sanitaires et à l'eau est l'un des nombreux problèmes qui pèsent lourd dans la vie quotidienne des réfugiés.

Olivier Jobard/MYOP/CICR

« C'était la saison des récoltes. J'étais dans mon champ de sorgho quand les hommes sont arrivés. J'ai vu celui qui m'a tiré dessus », dit Naga Shokole, agriculteur de 30 ans originaire de la bourgade d'Humera en Éthiopie. C'est sa femme, Yayish, qui l'a trouvé blessé et s'est occupée de lui. Avec leur petite fille de deux ans, Hirmila, ils ont fui dans une charrette à ânes et ont franchi la frontière.

À leur arrivée au Soudan, Naga a été pris en charge par le Croissant-Rouge soudanais et emmené à l'hôpital de Hashaba.

Olivier Jobard/MYOP/CICR

« J'avais si peur pour le bébé que je n'ai pratiquement aucun souvenir de la route », explique Million, 24 ans, enceinte de neuf mois. « J'étais comme dans un trou noir. Aujourd'hui, on me dit de rester là parce que je pourrais accoucher à tout moment. Nous allons voir le médecin au centre de santé du Croissant-Rouge soudanais. Mon mari est à Mekelle, où nous habitions. »

Olivier Jobard/MYOP/CICR

Un délégué du CICR enregistre ce qu'il est convenu d'appeler des « demandes de recherches » au camp de réfugiés d'Um Rakuba. Ces demandes sont consignées dans le système informatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mis en place pour aider les gens à retrouver des membres de leur famille ou à reprendre contact avec eux.


Des centaines de personnes ont été coupées de leurs proches au moment où elles ont fui l'Éthiopie. Dès le 29 novembre, les équipes du CICR, avec la collaboration du Croissant-Rouge soudanais, ont aidé les Éthiopiens à passer environ un millier d'appels téléphoniques pour joindre des proches dans diverses régions d'Éthiopie et à l'étranger. Les liaisons téléphoniques et communications Internet étant toujours interrompues dans certaines parties du Tigré, beaucoup sont sans nouvelles de leurs familles depuis des semaines.

Avec le Croissant-Rouge soudanais, le CICR a mis en place des services dans trois endroits proches de la frontière pour permettre aux réfugiés de joindre leurs proches par téléphone et par messages. Le Croissant-Rouge soudanais leur dispense aussi des soins médicaux.

A 50 ans, Olivier Jobard fait partie des grands noms du photojournalisme. Il est l'un des premiers à avoir montré le calvaire qu'endurent les migrants dans leurs tentatives parfois désespérées de rallier l'Europe par la mer. Ce photographe humanise depuis 30 ans ceux qui, comme il l'écrit sur son site, « forment une masse désincarnée dans l'inconscient collectif. De Calais à la mer Egée, [les migrants] sont photographiés en hordes sauvages ou comme du bétail. Ces images distanciées contribuent à créer un bestiaire visuel ».

À travers cette galerie, l'ancien photographe de l'agence SIPA Press aujourd'hui représenté par l'agence Myop, raconte le calvaire des Ethiopiens fuyant les combats pour se réfugier au Soudan.