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Soudan : promouvoir le respect des droits des enfants dans les conflits armés

Le 30 juin, le Mouvement populaire de libération du Soudan – Nord (SPLM-N) a signé l'Acte d'engagement pour la protection des enfants de l'Appel de Genève, qui vise à réduire les effets des conflits armés sur les enfants et, en particulier, à combattre leur recrutement et leur utilisation dans les hostilités.

Dans cette interview, Audrey Palama, conseillère au sein de l'équipe du CICR chargée des relations avec les porteurs d'armes, explique pourquoi il est important que l'institution dialogue avec les groupes armés non étatiques.

En quoi la signature de cet acte est-elle importante pour le CICR, et que signifie-t-elle concrètement ?

Par cette signature, le SPLM-N devient le premier groupe armé non étatique d'Afrique à s'engager pour la protection des enfants. Les groupes armés sont liés par le droit international humanitaire (DIH), mais ne peuvent pas signer ou ratifier les traités internationaux, n'étant pas des entités juridiquement reconnues comme les États. L'organisation Appel de Genève joue un rôle particulier dans la protection des civils lors de conflits armés : en effet, elle propose aux groupes armés non étatiques de signer un document officiel par lequel ils s'engagent à respecter les règles de la guerre telles qu'édictées par le DIH. Ce document ne modifie pas le statut juridique des groupes armés, mais contribue indéniablement à renforcer l'adhésion aux dispositions du DIH et leur respect parmi ces groupes.

En apposant leur signature, les groupes armés s'engagent en principe à respecter un ensemble de règles bien défini, traitant notamment de questions spécifiques comme la protection des enfants dans les conflits armés. Ils affirment publiquement leur volonté d'être tenus responsables de leurs actes au regard du droit international humanitaire. Ils acceptent aussi de mettre en place des mécanismes internes pour remédier aux violations potentielles du DIH, et autorisent des observateurs extérieurs à surveiller leur comportement. En cas de problème, une mission de vérification est organisée.

Le CICR entretient un dialogue avec des groupes armés non étatiques dans le monde entier. Quels résultats obtenez-vous, et quelles difficultés rencontrez-vous ?

On a pu constater ces dernières années une augmentation du nombre et de la complexité des conflits impliquant des groupes armés, avec un impact dévastateur sur le plan humanitaire. Pour faire face aux conséquences des conflits contemporains, le CICR doit rester un acteur humanitaire impartial et neutre, indépendant de toutes les parties au conflit mais dialoguant avec chacune d'entre elles. Cela suppose forcément une interaction directe avec des groupes armés. De fait, le CICR dialogue avec plus de 200 groupes armés dans une cinquantaine de pays touchés par des conflits armés non internationaux, ou des situations de violence n'atteignant pas le seuil d'intensité d'un conflit armé.

Plus particulièrement, nos liens avec les groupes nous permettent de promouvoir auprès d'eux le respect des règles de droit applicables, d'obtenir un accès aux populations touchées et d'améliorer la sécurité de nos collaborateurs sur le terrain.

Le CICR est l'une des très rares organisations à échanger directement avec des groupes armés non étatiques sur des questions d'assistance et de protection, et il demande aux États de reconnaître ce rôle particulier. Toutefois, le dialogue est souvent difficile, voire impossible à établir pour des raisons généralement liées à la sécurité, à l'acceptation, à la compréhension et à la confiance. Toutes sont des conditions indispensables à l'instauration d'un dialogue constructif et fructueux, en particulier lorsque celui-ci porte sur le comportement de membres de groupes armés non étatiques et vise à garantir le respect et la protection des civils, ainsi que des personnes ne prenant plus part aux hostilités.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de l'action que le CICR mène avec les groupes armés non étatiques dans le monde ?

Les dispositions du DIH mentionnent clairement que le CICR a pour tâche de visiter à la fois les prisonniers de guerre et les internés civils lors des conflits armés internationaux. Dans le cas de conflits armés non internationaux et d'autres situations de violence, le CICR dispose d'un droit d'initiative et met tout en œuvre pour pouvoir visiter les détenus.

En renforçant le dialogue avec les groupes armés, nous augmentons nos chances de visiter les personnes qu'ils détiennent. Nos visites visent à assurer un traitement humain aux détenus, et nous travaillons avec tous ceux qui prennent part à un conflit armé pour empêcher les abus et améliorer les conditions de détention. Si nécessaire, le CICR est prêt à agir en tant qu'intermédiaire neutre lors de la libération des détenus.

Le CICR s'entretient-t-il sur d'autres questions avec les groupes armés non étatiques ?

Nous avons également travaillé avec les groupes armés non étatiques dans le cadre du projet « Les soins de santé en danger ». La violence dirigée contre les patients et les personnels de santé est un des défis humanitaires majeurs auxquels le monde fait face aujourd'hui. Et pourtant, cette violence passe souvent inaperçue. Le CICR, en collaboration avec le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et d'autres organisations partenaires, dirige ce projet global, qui vise à prodiguer des soins de santé efficaces en toute impartialité dans les conflits armés et autres situations d'urgence.

Compte tenu du rôle primordial que les groupes armés jouent dans les conflits contemporains, nous avons rapidement reconnu la nécessité de les associer à notre action. Plus de 30 groupes armés du monde entier impliqués dans des conflits armés non internationaux ont assisté aux discussions, contribuant ainsi à mieux comprendre le phénomène de la violence dirigée contre les soins de santé et identifier des mesures concrètes pour remédier à ce phénomène. Pour plus de détails sur ces mesures, veuillez consulter la publication Safeguarding the provision of Health Care: Operational practices and relevant International Humanitarian Law concerning armed groups.

L'étude réalisée il y a quelques années par le CICR sur les origines du comportement en temps de guerre a montré que l'encadrement rigoureux des combattants, des ordres stricts quant au comportement à adopter et des sanctions efficaces en cas d'inobservation des ordres sont les conditions essentielles qui doivent être réunies pour obtenir des porteurs d'armes un meilleur respect du DIH. C'est pourquoi, le CICR, en sa qualité de gardien du DIH, travaille avec des groupes armés, ainsi qu'avec des forces armées régulières, afin qu'ils intègrent les dispositions de ce droit dans la doctrine, dans leurs programmes de formation et d'éducation et dans leurs sanctions.