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Soutien économique aux communautés : une aide vitale pour les femmes dans le Nord du Mali

Dans le village de Toya, à 20 km de Tombouctou, deux fléaux – le climat et le conflit en cours – ont des répercussions importantes sur la vie de la population.

Dominées par les vastes dunes de sable qui bordent le fleuve Niger et derrière de rares arbres plantés il y a quelques années pour lutter contre l'avancée du désert, se trouvent des parcelles rizicoles dont l'irrigation est largement tributaire de l'eau du fleuve. Les effets appauvrissants du changement climatique sont ressentis fortement par la population.

Le village de Toya est situé dans l'une des régions les plus vulnérables de l'un des pays les plus pauvres au monde (selon l'Indice de développement humain de l'ONU, le Mali est aujourd'hui classé 175ème sur 188 pays). Des années de sécheresse et la désertification croissante ont asséché les terres et réduit le débit du fleuve. Les récoltes (de riz, principalement) sont toujours plus précaires et les poissons moins abondants.

En outre, l'intensification du conflit armé, le banditisme généralisé et l'absence de l'État dans de nombreuses régions du pays viennent encore aggraver une situation humanitaire déjà alarmante, provoquant des déplacements de population, décourageant les retours et limitant fortement l'accès aux services vitaux. L'insécurité alimentaire progresse et les taux de malnutrition sont en hausse.

« La vie est très, très difficile... pas de pluie, pas assez de nourriture, pas d'argent », explique Safiatou Bahada, une veuve mère de huit enfants. Serrant dans ses bras le plus jeune de ses enfants, elle dit qu'il y a aussi beaucoup d'insécurité maintenant – les vols et les attaques se multiplient. « Nous avons peur, mais que pouvons-nous faire ? Où d'autre pourrions-nous aller ? », ajoute-t-elle.

Comme la plupart des femmes vivant dans les zones rurales du Mali, Safiatou n'a eu accès qu'à l'éducation la plus élémentaire et elle n'a aucune perspective réaliste d'emploi dans le secteur formel. La réalité est rude pour Safiatou qui doit assumer seule la charge de sa famille nombreuse. Pour compléter ses maigres revenus tirés de la vente de poisson sur le marché, elle travaille dans les champs, pompant l'eau du fleuve pour alimenter les canaux d'irrigation et moissonnant le riz.

Membre de l'association communautaire, Hadijatou Maiga se tient au bord des bassins piscicoles récemment rénovés à Toya, dans la région de Tombouctou. Le CICR aide une association communautaire à développer le secteur aquacole afin de stimuler l'économie locale et contribuer à répondre aux besoins à long terme. CC BY-NC-ND / CICR / Claudia McGoldrick

Phénomène aggravant, la peur d'être victime d'un vol ou d'une attaque – notamment sur les routes – règne constamment. Safiatou explique que son argent lui a été dérobé quelques jours plus tôt : le véhicule dans lequel elle voyageait a été arrêté par des hommes armés qui ont menacé et détroussé les passagers.

Pour aider les femmes vulnérables comme Safiatou – et stimuler l'économie locale –, le CICR soutient une association communautaire en vue de développer le secteur aquacole à Toya. Trois grandes parcelles, alimentées en eau par un réseau de canaux d'irrigation, ont été rénovées : le CICR a fourni les stocks initiaux d'alevins qui seront élevés, se reproduiront et seront pêchés. Les profits seront partagés à parts égales entre les membres de l'association, toujours plus nombreux, dont plus d'un tiers sont des femmes.

« Étant donné la baisse du niveau des eaux ici et la disponibilité réduite des poissons d'eau douce, la pisciculture est une bonne façon de garantir la durabilité », déclare Joel Fortuné, le délégué à la sécurité économique du CICR à Tombouctou. « Le but est de développer les capacités et l'autosuffisance de la population, en particulier du grand nombre de femmes vulnérables qui, dans de nombreux cas, assument la fonction de chef de famille », ajoute-t-il. « Nous espérons que cette initiative servira de projet phare qui sera reproduit ailleurs dans la région. »

Ce projet n'est qu'un exemple parmi d'autres. Dans les zones du pays touchées par le conflit, le CICR aide à répondre aux besoins à plus long terme, que ce soit en soutenant les services de base et les infrastructures, ou en fournissant différents types de soutien à l'agriculture et aux communautés. De fait, un certain nombre de projets visent spécifiquement à renforcer la résilience des femmes vulnérables.

Dans les faubourgs de Tombouctou, l'un de ces projets aide une association de femmes à fabriquer du savon en leur fournissant des matières premières et des conseils techniques. Comme l'explique la présidente de l'association, Bintou Sesay, la plupart des femmes parviennent tant bien que mal à joindre les deux bouts en occupant plusieurs emplois, mais la fabrication et la vente de savon constituent leur source de revenu la plus fiable. « Nous étions quelques-unes à faire aussi du maraîchage, mais des bandits sont venus il y a juste trois jours et ils ont emporté les panneaux solaires de notre pompe à eau », déclare-t-elle.

Des femmes, membres d'une association communautaire à Tombouctou, fabriquent du savon. Le CICR soutient les activités génératrices de revenus de divers groupes communautaires tels que celui-ci, en particulier les activités exercées par et pour des femmes vulnérables. CC BY-NC-ND / CICR / Claudia McGoldrick

Bintou se souvient que beaucoup de familles se sont enfuies de leur domicile quand des groupes armés ont pris le contrôle de Tombouctou et d'autres régions du nord du Mali en 2012. « Nous sommes partis dans différentes directions. Des familles ont été accueillies par des parents ou des connaissances, mais chacun a dû lutter pour survivre. C'était trop dur, alors au bout de quelques mois, nous sommes revenus. Certaines de nos familles ont été séparées et certaines femmes sont revenues veuves », déclare-t-elle. « Ici aussi, la vie sous les djihadistes, était difficile ; nous devions être très prudents, mais nous ne pouvions qu'accepter notre sort. »

Hadi Sesay – une veuve mère de neuf enfants – dit qu'elle est d'accord avec Bintou. Elle raconte qu'elle a été arrêtée à deux reprises parce qu'elle n'était pas « convenablement couverte » alors qu'elle vendait sur le marché ; les deux fois, elle a été détenue pendant presque toute une journée. Sa situation est devenue plus difficile encore. « Depuis la mort de mon mari, il y a deux ans, la vie est devenue quasiment insupportable », dit-elle. « La plupart du temps, nous ne faisons qu'un repas par jour ; souvent, je donne ma part à mes enfants et j'ai faim. »

« Sans le savon que nous ne fabriquons et que nous vendons, nous pourrions tous être en train de mourir de faim », déclare Hadi. « Malgré tout, j'ai peur de ce que nous réserve l'avenir. Quelles seront pour nous les conséquences de ce conflit ? Que va-t-il arriver à mes enfants ? »

La situation de Hadi n'est qu'un exemple parmi d'autres, montrant la complexité de la crise malienne – et la nécessité d'y répondre dès maintenant, de toute urgence. Comme l'a relevé Christine Beerli, vice-présidente du CICR, lors d'une récente visite effectuée à Tombouctou et dans d'autres régions du Mali, « les fondements de la paix doivent se construire au niveau des communautés, par exemple en s'attachant à faire en sorte que la gouvernance locale soit plus inclusive, à promouvoir le respect du droit par toutes les parties et, enfin, à créer des opportunités économiques, notamment pour les groupes vulnérables. Le fait de contribuer à renforcer le pouvoir d'action des femmes est un pas important dans la bonne direction ».

« En fin de compte, il faudra une véritable volonté politique pour mettre fin à cette crise profondément enracinée », a déclaré Christine Beerli. « Entre-temps, les organisations humanitaires telles que le CICR continueront de jouer un rôle vital non seulement en sauvant des vies mais aussi en ouvrant la voie au développement dans le futur. »