Une mère et ses enfants se préparent à monter à bord du car qui les emmènera jusqu’au centre de détention. Les cars affrétés par la Croix-Rouge partent avant l’aube. Le voyage dure une douzaine d’heures.
Une mère et ses enfants se préparent à monter à bord du car qui les emmènera jusqu’au centre de détention. Les cars affrétés par la Croix-Rouge partent avant l’aube. Le voyage dure une douzaine d’heures.
« Lors d’une visite, j’ai emmené avec moi ma fille de quelques mois. Je l’ai présentée à mon mari à travers la vitre. C’est la seule fois où je l’ai vu pleurer. »
« C’est la personne qui compte le plus pour moi. Pour rien au monde je ne manquerai une occasion de le voir, que ce soit pour 45 minutes ou même pour 5 minutes. »
La fatigue se fait sentir durant le long voyage jusqu’au centre de détention.
Des proches de détenus attendent à un point de contrôle. Les Palestiniens doivent présenter une autorisation pour pouvoir entrer en Israël. Les jours de forte affluence, lorsque plusieurs centaines de personnes viennent rendre visite à leurs proches détenus, le passage du point de contrôle peut prendre plusieurs heures.
Familles de Palestiniens détenus en Israël attendant de pouvoir franchir un point de contrôle.
« La veille du départ, je suis tellement anxieuse que je n’arrive pas à trouver le sommeil. J’ai toujours peur de rater le car ou d’oublier quelque chose. »
Lettre d’un détenu à sa mère.
« Chaque fois que je rends visite à mon fils, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est peut-être de la dernière fois que je le verrai. » Des transports spéciaux en ambulance sont organisés pour les proches qui ne sont pas en état de se rendre en car jusqu’au centre de détention.
« J’essaie de lui raconter un maximum de choses durant ces 45 minutes. Je lui dis tout ce qui s’est passé depuis la dernière visite, comment ça se passe pour les enfants à l’école. »
Une femme passe en revue les photos de famille qu’elle montrera à son mari détenu.
« Je n’ai pas dit à mon fils que je commençais à perdre la vue. Je ne voulais pas qu’il s’inquiète. Quand je lui rendais visite au centre de détention, je faisais comme si je le voyais encore parfaitement bien. »
« J’attends impatiemment le jour de la visite, et après, je ressens un grand vide. Quand la visite touche à sa fin, je ne peux m’empêcher de plaquer ma main contre la vitre derrière laquelle se trouve mon mari. Ce n’est pas facile d’expliquer ce que l’on ressent. »
« Tous les jours, je vais dans la chambre de mon fils et j’ouvre la fenêtre, comme quand il était encore là. »
Une fois par mois, elle est debout bien avant l'aube. De toute façon, elle ne parvient pas vraiment à dormir ces nuits-là, ressassant continuellement la liste des choses à ne pas oublier : autorisation d'accès, pièce d'identité, argent... Elle sait parfaitement quoi faire et quoi prendre avec elle, mais l'émotion finit par avoir le dessus et elle se laisse envahir par la peur d'oublier quelque chose. Quelque chose qui lui ferait rater la visite. Elle ne se le pardonnerait jamais. Ces quarante-cinq minutes, elle les attend avec impatience et appréhension à la fois.
Il fait encore nuit quand elle arrive dans la rue où sont stationnés les cars. Dans la foule, beaucoup de visages connus et quelques têtes nouvelles. Les chauffeurs boivent du café dans des gobelets fumants tandis que les passagers achètent de quoi manger. Un long trajet les attend : douze heures de route avec un changement de car au check point, des heures d'attente au point de contrôle et une fouille minutieuse avant de pouvoir accéder au centre de détention.
Quand la visite touche à sa fin, je ne peux m'empêcher de plaquer ma main contre la vitre derrière laquelle se trouve mon mari.
Durant le voyage, elle se répète tout ce qu'elle devra lui dire par téléphone, à travers la vitre de séparation : les nouvelles de la famille, les commérages du quartier et, surtout, combien il manque aux siens. Après, ce sera un nouveau mois d'attente lancinante jusqu'à la prochaine visite. L'absence creuse un trou béant qu'elle s'efforce de combler par des souvenirs, des vieux vêtements, des livres, des lettres et des photos.
Chaque année, plus de 100 000 personnes vivant en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est empruntent les cars affrétés par la Croix-Rouge pour rendre visite à des proches détenus en Israël. Derrière ces chiffres, il y a des êtres humains, et derrière chaque être humain, il y a une histoire, une histoire qui raconte la souffrance de vivre séparé d'un être cher.
Pouvoir maintenir le contact avec ses proches est un besoin humanitaire essentiel et un droit reconnu aux détenus par le droit international humanitaire. Depuis une cinquantaine d'années, dans le cadre de son programme de visites familiales, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) organise des visites pour les proches de détenus palestiniens incarcérés dans des centres de détention israéliens. Il s'occupe des demandes d'autorisation, organise le transport et facilite l'échange de nouvelles entre les détenus et leurs familles par le biais de messages Croix-Rouge. Depuis 1969, le CICR a ainsi organisé plus de 3,5 millions de visites familiales.