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Tirer un meilleur profit des données disponibles sur les attaques contre les soins de santé en temps de conflit

Que savons-nous réellement de la violence contre les soins de santé dans les situations de conflit ? Pas grand-chose ou pas suffisamment, du moins, selon un rapport publié récemment par une équipe de chercheurs de la London School of Economics and Political Science . Si nous en savions davantage, nous serions mieux à même de mettre au point des politiques et des réponses opérationnelles pour venir à bout du problème – qui fait d'ailleurs l'objet d'une attention croissante depuis quelques années. L'étude se proposait d'analyser les forces et les faiblesses du corpus de données collectées à cette date sur les attaques contre les soins de santé, ainsi que les éventuelles conséquences imprévues découlant de son état actuel, afin de formuler des recommandations pratiques pour les politiques, recherches et actions à venir, dans le but ultime d'apporter des solutions plus efficaces à ce phénomène. Au final, le rapport offre une analyse systématique du corpus dans son état actuel, ainsi que de l'utilisation qui en est effectivement faite.


Selon le rapport toujours, des efforts conjoints consentis ces cinq dernières années ont réussi à attirer l'attention de la communauté internationale sur cette forme particulière de violence, renforçant la volonté politique de résoudre ce problème. À ce titre, citons le projet « Les soins de santé en danger » du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les initiatives lancées par Médecins sans Frontières et la Coalition Protéger la santé dans les conflits. Des résultats positifs ont d'ailleurs déjà été obtenus, par exemple l'adoption unanime de la Résolution 2286 par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui condamne fermement les attaques contre les hôpitaux et les installations médicales ainsi que le personnel médical et les agents humanitaires dans les situations de conflit armé.

des efforts conjoints consentis ces cinq dernières années ont réussi à attirer l'attention de la communauté internationale sur cette forme particulière de violence, renforçant la volonté politique de résoudre ce problème.

Malgré le succès de ces initiatives, les chercheurs estiment que, en l'état, le corpus de données n'est toujours pas à même de refléter l'augmentation constante du nombre d'attaques contre les soins de santé. En effet, il n'existe pas de preuves concrètes, de méthodologies suffisamment claires ni de données assez détaillées permettant de confirmer un tel état de fait, ce qui risque de creuser un écart entre l'avis général et la réalité des faits. Par ailleurs, faute de définitions, d'indicateurs et de standards universellement acceptés, certaines formes de cette violence échappent aux statistiques. Sans compter que seul un nombre limité d'organisations internationales fournissent des données pour alimenter le corpus.


Toujours d'après le rapport, un tel état de fait risque d'avoir des conséquences inattendues. Le corpus de données pourrait par exemple être manipulé par des personnes qui utiliseraient les données hors de leur contexte original et à d'autres fins que celles initialement prévues. Autant d'inconvénients qui contribuent à une compréhension réductrice du phénomène, omettant le fait que cette catégorie particulière de violence est fortement liée au contexte où elle se produit, et ne retenant que certaines des formes qu'elle peut prendre et certains des contextes dans lesquels elle survient, à l'exclusion d'autres. En fin de compte, ces attaques gagnent en visibilité à travers un discours simpliste et sensationnel qui n'aide cependant pas à mieux comprendre le problème.

Les chercheurs en arrivent à la conclusion, (...) il faut aussi améliorer la collecte de données et veiller à ce que leur analyse se fasse selon une approche davantage multidisciplinaire et contextualisée,

Les chercheurs en arrivent à la conclusion que si nous voulons améliorer notre compréhension du problème de la violence contre les soins de santé afin de pouvoir y répondre de manière plus efficace, il faut aussi améliorer la collecte de données et veiller à ce que leur analyse se fasse selon une approche davantage multidisciplinaire et contextualisée, au même titre d'ailleurs que la réflexion autour du phénomène en soi. Plusieurs recommandations sont ainsi formulées de façon à encourager les parties prenantes à coopérer pour que les attaques contre les soins de santé soient signalées et documentées de manière plus systématique et plus exhaustive. Conformément à la Résolution WHA65.20, adoptée lors de l'Assemblée mondiale de la santé de 2012, l'Organisation mondiale de la santé dirige la mise au point de méthodes standardisées de collecte et de diffusion des données sur les attaques contre les établissements de santé, les agents de santé, les véhicules sanitaires et les patients dans les situations de conflit. Le rapport en appelle également aux parties prenantes pour qu'elles unissent leurs forces afin de développer l'aspect régional et multidisciplinaire des recherches et des analyses dans ce domaine. Il leur est en outre demandé de plaider pour que la question des attaques contre les soins de santé figure à l'ordre du jour des débats engagés à l'échelle internationale sur la santé et la sécurité d'une part, et d'autre part pour que des résolutions visant à la fois à prévenir les violences et à y répondre soient adoptées et mises en œuvre.


Ce rapport a été rédigé en collaboration avec le Royal Institute for International Affairs (Chatham House) et en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge et Médecins sans Frontières.

 

« Les soins de santé en danger » est une initiative du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui vise à améliorer l'accès aux soins de santé et à rendre leur fourniture plus sûre dans les conflits armés et autres situations d'urgence. Son but est de promouvoir le respect des personnels de santé, des structures médicales et des moyens de transport sanitaire, ainsi que la mise en œuvre d'une série de recommandations et de mesures pratiques visant à protéger les services de santé et leur mission humanitaire. Elle bénéficie du soutien de nombreux partenaires – personnes et organisations – membres de la communauté d'intérêts réunie autour du projet « Les soins de santé en danger ».

Pour plus d'informations sur le projet « Les soins de santé en danger », vous pouvez :