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Ukraine : une ligne de front, deux communautés, des centaines de familles divisées

Dans l'est de l'Ukraine, la population souffre encore des conséquences des récents combats. À Oleksandrivka, un village sous le contrôle de l'opposition, et à Mariinka, une petite ville contrôlée par le gouvernement, la ligne de front rallonge considérablement les déplacements et sépare des familles.

Les employés du CICR viennent d'arriver au centre d'Oleksandrivka, un petit village aux mains de l'opposition dans les environs de Donetsk. Les habitants commencent à approcher, un grand sourire aux lèvres. L'institution est venue à Oleksandrivka pour distribuer des vivres, des articles d'hygiène et d'autres articles, notamment des bougies. Une journée comme les autres pour elle. Alors que le personnel commence à décharger les colis dans ce village désormais paisible, il est difficile de croire qu'il y à peine quelques jours, ces personnes joviales se cachaient terrifiées dans leurs caves pendant que les obus pleuvaient à l'extérieur.

Oleksandrivka se trouve à environ 8 kilomètres de la ville de Mariinka. En temps normal, il faudrait 10 minutes pour s'y rendre en voiture. Mais les circonstances n'ont rien de normal, et Mariinka se trouve dans le territoire contrôlé par le gouvernement, de l'autre côté de la ligne de front.

Mariinka et Oleksandrivka ont été sévèrement endommagés pendant les combats qui ont éclaté en 2014. Des deux côtés, la population rencontre encore de nombreuses difficultés au quotidien.

ICRC personnel speak to the local authorities as offloading continues.

Oleksandrivka, près de Donetsk, en Ukraine. Le personnel du CICR s'entretient avec les autorités locales tandis que le déchargement des colis se poursuit. CC BY-NC-ND / CICR / Y. Orlov

Le conflit armé n'a pas fait que diviser deux communautés, il a surtout séparé des familles. En face du point de distribution, près de l'entrepôt, nous rencontrons Svetlana et Vladimir, un couple d'âge mûr qui observe la distribution. Les deux époux vivent à Oleksandrivka depuis des décennies. Svetlana a grandi à Mariinka et a déménagé à Oleksandrivka quand elle a épousé Vladimir. Sa mère âgée de 80 ans vit toujours à Mariinka.

« Lorsque la situation s'aggrave, nous ramenons ma mère ici, mais elle refuse de vivre en permanence chez nous, car elle aime sa maison », explique Svetlana.

Aller chercher la mère de Svetlana n'est plus aussi facile qu'avant. Mariinka a beau n'être qu'à huit kilomètres, le trajet prend des heures. Svetlana et Vladimir n'ont pas de voiture. À pied et à bicyclette, ils doivent faire un énorme détour qui les expose à de nombreux dangers, notamment aux munitions non explosées qui jonchent la route. Mais ils veulent être réunis, alors, malgré les risques, ils vont chercher la mère de Svetlana pour qu'elle puisse passer du temps chez eux à Oleksandrivka.

Un silence inconfortable plane maintenant que Svetlana a fini de raconter son histoire. Vladimir fixe la roue de sa bicyclette. « Je me demande bien qui avait besoin de cette guerre. Tant d'hommes sont morts. »

Two bicycles await their owners near the warehouse where food and other essentials are being distributed to people still suffering the effects of recent fighting.

Oleksandrivka, près de Donetsk, en Ukraine. Deux bicyclettes attendent leurs propriétaires près de l'entrepôt où a lieu la distribution de vivres et d'autres articles de première nécessité aux personnes qui subissent les effets des récents combats. CC BY-NC-ND / CICR / Y. Orlov

Fournir des secours est bien plus dangereux près de la ligne de front qu'ailleurs. Tout peut se produire.

Pour veiller au bon déroulement de la distribution et pour éviter de faire courir des risques aux habitants et à son personnel, le CICR s'est entretenu au préalable avec les parties au conflit afin d'obtenir des garanties de sécurité pour le convoi. Le même jour, des collaborateurs du CICR de l'autre côté de la ligne de front se sont rendus dans la ville de Mariinka contrôlée par le gouvernement, où des ingénieurs de l'institution ont installé des réservoirs d'eau plus que nécessaires pour les habitants. Comme à Oleksandrivka et dans les autres villes ou villages situés sur la ligne de front, la population fait face à de grandes difficultés. Le CICR mène ses activités sans discrimination, de part et d'autre de la ligne de front. Pour déterminer l'aide à apporter, il a pour seul critère les besoins des personnes les plus vulnérables.

The ICRC team on the move.

Oleksandrivka, près de Donetsk, en Ukraine. L'équipe du CICR se déplace. CC BY-NC-ND / CICR / Y. Orlov

Une fois les colis déchargés, les chauffeurs des camions rallument leur moteur. Ce jour-là, ce sera le seul vrombissement à perturber la tranquillité d'un village paisible rempli d'enfants souriants. Svetlana et Vladimir rentrent chez eux. Les deux équipes du CICR – une de chaque côté de la ligne de front – regagnent leurs bureaux respectifs.

Elles continueront de travailler d'arrache-pied et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour atténuer les souffrances de la population, comme elles le font au quotidien.