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RDC : comment vivre après la violence ?

Les affrontements intercommunautaires de Yumbi ont, fin 2018, causé la mort de centaines de personnes selon les Nations unies. Dans cette ville située à 300 kilomètres au nord de Kinshasa sur les rives du fleuve Congo, la population peine à retrouver une vie normale quatre mois après les événements.

« Je passe toutes mes nuits à même le sol, sur une natte », témoigne Moseka, femme quinquagénaire, encore sous le choc. Trois de ses petits enfants sont décédés dans l'incendie volontaire de sa maison. Brûlée aux mains, au bras et au visage, les séquelles physiques se doublent d'une grande détresse morale. Elle vit désormais chez son fils. « Cela fait trois mois qu'on me prend en charge comme un bébé. J'ai repris la vie à zéro. »

CC BY-NC-ND / CICR / Jonathan Busasi

Moseka, brûlée aux mains, aux bras et au visage dans l'incendie volontaire de sa maison.

Un grand nombre de victimes des affrontements se sont réfugiées sur des îlots au milieu du fleuve. Calvin Mastaki, superviseur des activités d'assistance du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans la région, était sur place fin février pour évaluer les besoins. « Là-bas, on dort à la belle étoile ou dans des cahutes de pêcheurs construites à même le sable. La chaleur y est accablante », rapportait-il.

Pour ceux restés en ville, la situation n'était guère meilleure : « Nous pêcheurs, nous ne savons plus comment nourrir nos familles », confiait Samuel à Calvin. Bras croisés, les pieds enfoncés dans le sable, il lâchait, dépité : « Nous avons perdu nos pirogues et notre matériel de pêche. Nous ne savons plus quoi faire. »

Les résultats de l'évaluation de Calvin et de ses collègues permettront d'organiser les secours à partir de Kinshasa. Et du 13 au 18 mars 2019, en collaboration avec la Croix-Rouge de la RDC, le CICR distribuait des vivres à plus de 15 000 personnes en déployant des efforts logistiques considérables dans cette région isolée, accessible essentiellement par le fleuve Congo. Les barges affrétées prendront sept jours pour rejoindre Yumbi.

Une fracture encore visible

Aujourd'hui, des mois après les affrontements, la méfiance entre agriculteurs et pêcheurs reste vive. Les communautés, qui avaient l'habitude d'échanger leurs produits, ne se côtoient plus. « Les uns produisaient du riz et du manioc, les autres du poisson, tous se retrouvaient au marché », raconte Samuel. « Ce n'est plus du tout le cas. Chacun reste dans son coin. » De nombreux paysans ont raté le début de la saison agricole en février dernier, faute de semences et d'outils, mais aussi en raison de l'insécurité qui les empêchait de se rendre aux champs.

Si les conditions de sécurité se sont améliorées au fil du temps, l'accès à la nourriture reste un casse-tête. Les échanges commerciaux avec Kinshasa aussi, qui tournent toujours au ralenti. Marianne, commerçante de la capitale, se rendait régulièrement à Yumbi pour y acheter du poisson. Pour son malheur, les combats ont éclaté une semaine après son arrivée en ville. « Ma fille de 3 ans a été tuée, on m'a volé la somme de 150 dollars et je suis bloquée ici faute d'argent pour payer mon retour à Kinshasa. » Pour l'instant, une famille a accepté de l'héberger. Le temps qu'elle trouve les moyens de retourner chez elle.

CC BY-NC-ND / CICR / Jonathan Busasi

De la nourriture a été distribuée à 15 000 personnes.

Les violences intercommunautaires, qui ont eu lieu entre le 16 et le 18 décembre dernier à Yumbi, dans la province de Maï-Ndombe, ont causé d'énormes dégâts dans la région. L'ONU parle de plus 500 personnes tuées et 16 000 déplacés. Des centaines de maisons, des écoles et des centres de santé ont été détruits ou incendiés. A la suite de l'accalmie, la population a commencé à retourner progressivement chez elle mais se trouve dans une situation très précaire.