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Ziguinchor-Bissau : une collaboration transfrontalière pour des victimes de mines

 Fabrication de prothèses orthopédiques au Centre de réhabilitation moteur de Bissau. CC BY NC ND / CICR / Lazar Sagna

Des centaines de victimes de mines

Le conflit en Casamance a eu des conséquences douloureuses sur les populations et a causé 826 victimes de mines depuis 1988 (source : CNAMS). Parmi les victimes civiles, 151 sont décédées et 85 autres ont perdu un ou deux membres inférieurs. Leur fournir des prothèses facilitant leur mobilité représente un immense bénéfice pour ces personnes. C'est pourquoi, le CICR, le CNAMS, l'ASVM et le Centre de réhabilitation physique de Bissau ont établi un partenariat pour aider ces victimes de la guerre à bénéficier de prothèses adaptées. Ainsi, le Centre de réhabilitation physique de Bissau reçoit depuis un an les patients venus de Casamance.

Deux jeunes parmi les bénéficiaires

Arthur et Mamadou, 2 jeunes bénéficaires. CC BY NC ND / CICR / Lazar Sagna

Arthur et Mamadou, tous deux âgés de 28 ans, ont connu le même sort. Ils ont été gravement blessés par des mines, respectivement en 2002 et 2006. « Mes amis et moi étions partis en promenade à Boutoute et c'est dans un verger que j'ai marché sur la mine. C'était à un mois de l'examen scolaire que je n'ai d'ailleurs pas pu passer, à cause des 4 mois d'hospitalisation [....]. Après mon rétablissement, j'ai continué mes études jusqu'en classe de terminale », confie Arthur.

« J'étais parti aux champs pour aider ma tante et j'ai sauté sur une mine. J'ai passé 3 mois à l'hôpital. Actuellement, je ne peux plus faire certaines activités car physiquement je suis diminué », explique Mamadou.

Obligés de se débrouiller pendant plusieurs années par faute de moyens avec leurs prothèses inadaptées et souvent vieilles, Arthur et Mamadou ont pu se rendre récemment à Bissau.

Une nouvelle prothèse pour redonner espoir

« Je suis heureux de me rendre à Bissau car cela me donne l'opportunité d'avoir une nouvelle prothèse bien adaptée. Sans prothèse, les victimes ont une mobilité extrêmement limitée. Celle que je vais obtenir sera ma seconde prothèse depuis mon accident», souligne Arthur avant son départ.

Le groupe de cinq personnes dont font partie Arthur et Mamadou, choisies par l'ASVM pour bénéficier de nouvelles prothèses à Bissau, a été logé pendant deux semaines dans une maison louée non loin du centre de réhabilitation physique de Bissau afin qu'ils puissent bénéficier d'un meilleur suivi.

Le lendemain de leur arrivée, les patients ont été présentés au Centre pour une évaluation. « L'évaluation est nécessaire et consiste à voir si le moignon a bien cicatrisé ou s'il n'y a pas de lésion ou d'anomalie qui empêche le patient de bénéficier immédiatement d'une prothèse. Ensuite on fait le moulage, puis la fabrication de la prothèse. Un à deux jours après, ils sont appelés pour le premier essayage. S'il est concluant, nous les faisons marcher au cours des deux jours suivants et nous procédons au travail de finition. Après la fabrication de la nouvelle prothèse, nous corrigeons les défauts de la marche du patient», explique Joazinho Indi, orthoprothésiste au Centre.

La marche constitue une étape importante pour les patients. C'est dans une salle spécialisée que les patients s'exercent, sous la conduite d'une équipe de physiothérapeutes. Cette équipe est conseillée par un physiothérapeute du CICR, lequel établit un programme d'entraînement pour l'adaptation de la nouvelle prothèse afin d'obtenir une marche plus stable et fonctionnelle avec un minimum d'effort pour chaque patient. Le nombre de jours consacrés à la marche varie en fonction de la situation de chacun.

« La dernière étape du travail est la finition complète de la prothèse. Nous retirons les vieilles prothèses qui sont conservées au Centre. Le patient reçoit sa nouvelle prothèse. Il est content et il rentre ensuite à Ziguinchor. Nous prenons également des photos en souvenir ».

Pour une meilleure poursuite de leurs activités

Arthur dans son élevage de porcs. CC BY NC ND / CICR / Lazar Sagna

Après deux semaines passées à Bissau, Arthur et Mamadou sont de retour à Ziguinchor. « Avant, j'avais une prothèse avec un genou fixe. Actuellement, pour la première fois, je bénéficie d'une prothèse fémorale, avec un genou libre, conforme à mon handicap. Elle me permet de me déplacer plus facilement. Nous avons aussi reçu des conseils sur les mesures d'hygiène à adopter avec la prothèse », précise Arthur.

Mamadou explique : « la prothèse tibiale qui m'a été remise est différente de celle que j'avais et la qualité est meilleure. Je n'ai eu besoin que d'un seul jour d'exercice de marche au Centre pour m'adapter à ma nouvelle prothèse ».

Avec leurs nouvelles prothèses, Arthur et Mamadou ont déjà repris leurs activités habituelles. Arthur élève des porcs dans un enclos aménagé dans la cour du domicile familial. Mamadou, lui, tient un petit atelier pour la réparation de vélos. Les activités génératrices de revenus de ces deux jeunes ont été financées par le CICR en 2011 et 2012.

Mamadou dans son atelier de réparation de vélos. CC BY NC ND / CICR / Lazar Sagna

 Le centre de réhabilitation physique « Dr. Ernesto Lopes Moreira » est une structure médicale qui dépend du Ministère de la santé bissau-guinéenne. Il est situé dans un quartier périphérique de la ville de Bissau et offre divers services dont les principaux sont la physiothérapie (électrothérapie, gymnastique) et l'appareillage orthopédique. Les types de patients suivants y sont pris en charge : amputés suite à des explosions de mines mais surtout en raison de leur diabète, victimes d'accidents vasculaires cérébraux ou d'autres pathologies orthopédiques, ainsi que les enfants avec paralysie cérébrale ou des pieds bots. Le CICR l'a reconstruit en 2010 et le soutient depuis lors.