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Accès humanitaire : ce que dit le droit

En temps de guerre, les populations civiles sont souvent privées de biens de première nécessité. Pour mener à bien leur mission, les organisations humanitaires doivent pouvoir accéder rapidement et sans entrave aux personnes touchées.

À qui incombe-t-il au premier chef de répondre aux besoins de la population civile lors d'un conflit armé ?

C'est aux parties au conflit armé qu'il incombe au premier chef de répondre aux besoins essentiels de la population civile qui se trouve sous leur contrôle. Dans une situation d'occupation, cette responsabilité est encore plus claire, la quatrième Convention de Genève de 1949 prévoyant que, dans toute la mesure de ses moyens, la Puissance occupante a le devoir d'assurer l'approvisionnement de la population en vivres, fournitures médicales et tout autre article nécessaire à sa survie lorsque les ressources du territoire occupé sont insuffisantes.

Quelles sont les principales règles du droit international humanitaire (DIH) relatives à l'accès humanitaire ?

Premièrement, les organisations humanitaires impartiales (telles que le CICR) sont habilitées à proposer leurs services pour déployer des activités humanitaires – on parle également de « droit d'initiative ». Aucune disposition du DIH ne limite le droit des organisations humanitaires impartiales d'offrir leurs services. Une telle offre de services ne peut être interprétée comme une ingérence dans les affaires intérieures des États, ni comme une reconnaissance ou un soutien à une partie au conflit.

Deuxièmement, ces activités humanitaires dépendent du consentement des parties « concernées » du fait que les activités humanitaires proposées doivent être déployées sur leur territoire ou dans des zones placées sous leur contrôle effectif ; mais leur décision de consentir à ces activités n'est pas discrétionnaire. Par exemple, si une organisation humanitaire impartiale peut venir en aide à des civils menacés de famine, la partie concernée est tenue de donner son agrément. La partie concernée ne pourrait légitimement rejeter une offre de services que s'il n'y a pas de besoins humanitaires dans la région, ou si l'offre de services n'émane pas d'une organisation impartiale et n'a pas un caractère humanitaire.

Troisièmement, les parties à un conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans entrave des secours humanitaires destinés aux civils dans le besoin, sous réserve de leur droit de contrôle. En d'autres termes, les parties ont l'obligation de coopérer et de prendre des mesures positives pour faciliter la tâche du personnel de secours. Elles doivent notamment simplifier autant que possible les formalités administratives afin de faciliter l'obtention des visas ou la gestion des autres questions d'immigration, les obligations fiscales, la réglementation des importations et des exportations, les autorisations de visites sur le terrain, voire les privilèges et immunités nécessaires pour qu'une organisation humanitaire impartiale puisse déployer ses activités de secours humanitaire.

En ce qui concerne la circulation du personnel et des biens utilisés dans les opérations de secours humanitaire, le DIH prévoit l'obligation pour les parties au conflit de garantir la liberté de déplacement essentielle à l'exercice de leurs fonctions. Leur circulation ne peut être temporairement et géographiquement restreinte qu'en cas de nécessité militaire impérieuse.

Dans les territoires occupés insuffisamment approvisionnés, la Puissance occupante est tenue non seulement d'accepter les services qui lui sont proposés, mais aussi de les faciliter dans toute la mesure de ses moyens. Elle doit en outre autoriser le libre passage des envois de secours et en assurer la protection.

Comment les États peuvent-ils s'assurer que les secours ne sont pas détournés à des fins militaires ?

Une fois leur consentement donné, toutes les parties concernées doivent permettre et faciliter les opérations de secours, même si les secours sont destinés à la population sous le contrôle de l'ennemi. Les parties ont toutefois un droit de regard sur les opérations humanitaires, notamment le droit de vérifier les envois et de réglementer leur passage selon des horaires et itinéraires prescrits. Elles doivent néanmoins s'abstenir de retarder indûment les opérations de secours humanitaire, ne pas empêcher leur déploiement rapide ou rendre leur mise en œuvre impossible. Une telle attitude équivaudrait sur le fonds à un refus arbitraire de consentement.

La nécessité militaire peut être invoquée dans des circonstances exceptionnelles afin de réglementer – mais non d'interdire totalement – l'accès humanitaire et ne peut restreindre que temporairement le périmètre géographique des activités et la liberté de déplacement du personnel humanitaire. En fait, il est aujourd'hui reconnu que la nécessité militaire ne peut être invoquée en DIH pour rejeter une offre de services valable et pour refuser dans leur intégralité les activités humanitaires proposées par des organisations humanitaires impartiales.

Le DIH impose-t-il de garantir un « accès sûr » au personnel de secours humanitaire ?

Le personnel de secours humanitaire ainsi que les biens utilisés pour des opérations de secours humanitaire doivent être respectés et protégés. Ce principe est un corollaire nécessaire des règles prévoyant un accès rapide et sans entrave pour les activités de secours humanitaire et assurant la liberté de mouvement du personnel de secours humanitaire. Cela signifie avant tout qu'ils ne doivent pas être attaqués, ce qui découle également de leur statut de civils. À cette fin, les parties doivent donner des instructions claires et strictes à leurs forces armées pour qu'elles protègent les secours et le personnel humanitaires, notamment en les sensibilisant au respect des emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge.

L'obligation de protection implique une obligation positive de prendre des mesures pour garantir que le personnel humanitaire puisse mener à bien ses activités sans entrave injustifiée, notamment sans être appréhendés. L'objectif premier de l'obligation de respecter et de protéger est de permettre au personnel humanitaire d'atteindre les victimes de conflits armés, qu'elles soient ou non visées par des réglementations et sanctions antiterroristes.

Quelles obligations incombent-elles aux tiers en matière d'accès humanitaire ?

En vertu du DIH régissant les conflits armés internationaux, tous les États concernés, y compris les États non belligérants, ont l'obligation d'autoriser et de faciliter les opérations de secours destinées aux populations insuffisamment approvisionnées. L'obligation de permettre le libre passage comprend l'entrée initiale sur le territoire et les déplacements à l'intérieur de celui-ci. Elle couvre également tout acheminement d'envois de secours, de matériel et de personnel accompagnant ces envois ou accomplissant leur mission humanitaire – en d'autres termes, tous les mouvements nécessaires à la fourniture efficace des secours humanitaires.

Les traités régissant les conflits armés non internationaux n'obligent pas expressément les États qui ne sont pas parties au conflit à autoriser et faciliter les opérations de secours. On s'attend toutefois à ce que les États – même s'ils ne sont pas parties au conflit – ne s'opposent pas à l'utilisation de leur territoire par des organisations humanitaires impartiales pour venir en aide aux victimes du conflit armé non international. Si ces États refusaient d'autoriser et de faciliter les opérations de secours, cela aurait pour effet d'empêcher de répondre aux besoins humanitaires des victimes, annihilant ainsi le consentement à une offre de services donné par les parties au conflit.

En outre, le DIH prévoit des règles spécifiques exigeant que tous les États facilitent les activités humanitaires déployées par le CICR et d'autres organisations humanitaires impartiales.