Déclaration

Aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et de la région

Troisième conférence de Bruxelles, 12-14 mars 2019, Déclaration du président du CICR, Peter Maurer

La Syrie passe par une période de transition qui ne va pas sans lancer d’énormes défis. Les combats continuent dans certaines parties du pays et le danger de voir le conflit s’envenimer dans des endroits comme Idlib existe toujours. Les efforts doivent donc se poursuivre pour éviter d’autres affrontements à grande échelle et les souffrances qu’ils ne manqueraient pas de provoquer.

En même temps, de nombreux Syriens essaient de se relever après des années de conflit.

Pour ce qui est du travail humanitaire, il doit se poursuivre à deux niveaux.

D’une part, nous devons être en mesure de répondre à des situations d’urgence soudaines.

De l’autre, nous devons faire de notre mieux pour aider les gens à reconstruire leur vie.

La situation est complexe. Les défis varient d’un lieu à l’autre, d’un moment à l’autre mais, partout, nous sommes face à des êtres humains dont les besoins sont énormes.

Il y a des besoins immédiats et à grande échelle auxquels il importe de répondre d’urgence :

Pensez à la situation incroyablement difficile du nord-est de la Syrie, au camp d’al-Hol près de la frontière avec l’Irak et à d’autres camps. Des dizaines de milliers de personnes, principalement des femmes et des enfants, manquent de tout.

Certains ont vécu des horreurs indicibles et ont souffert, à la fois dans leur corps et dans leur âme. Ils ont besoin de sécurité, d’un abri, de vivres, d’un système d’assainissement, bref du nécessaire pour vivre.

Avec le Croissant-Rouge arabe syrien, nous distribuons des repas et des tentes et dispensons des soins médicaux ;  nous rétablissons les liens familiaux et communiquons aux autorités consulaires les noms de leurs ressortissants.

Il faut aussi s’attaquer d’urgence à la question épineuse et extrêmement compliquée de ce qu’il est convenu d’appeler les combattants étrangers et leurs familles. Le droit international humanitaire, qui se place dans une optique équilibrée d’humanité et de sécurité, donne des indices quant au comment : il faut traiter les personnes en cause avec humanité et dignité, en évitant la stigmatisation et une nouvelle spirale de la violence. Les États ne peuvent pas se dérober à leurs responsabilités.

Tous ceux qui souhaitent être rapatriés dans leur pays, proche ou lointain, doivent pouvoir le faire dans la sécurité et la dignité, y compris bien entendu les ressortissants irakiens. La justice doit pouvoir opérer dans chaque pays dans le respect des garanties procédurales.

Et puis, il y a les perspectives à moyen terme auxquelles nous devons maintenant accorder plus d’attention.

Si les conditions de retours en masse ne sont pas encore réunies, il importe d’aider ceux qui font ce choix, comme ceux qui sont restés pendant toutes ces années et qui souhaitent prendre un nouveau départ dans la vie.

Ils ont besoin d’un accès aux services de base et de sécurité. Ils ont besoin que leurs droits soient respectés et que leurs maisons et les terres agricoles soient débarrassées des munitions non explosées. Ils doivent pouvoir gagner leur vie. L’offre des services de base à la population suppose souvent une certaine remise en état de l’infrastructure. Il faut remplacer les conduites d’eau si l’on ne veut pas avoir à acheminer l’eau par camion pendant des années. Les théâtres d’opérations doivent être décontaminés et déminés si l’on veut sauver des vies.

Aujourd’hui, nous nous posons la question suivante : comment pouvons-nous aider à reconstruire des vies – pas des pays ?

Mettre les êtres humains au centre, telle est notre priorité : apporter des secours humanitaires là où ils sont le plus nécessaires, rendre la vie aussi tolérable que possible. Notre action a pour seul critère les besoins humanitaires, physiques et psychologiques, et le besoin d’être protégé de nouvelles violences.

En essayant d’y répondre, nous nous heurtons encore à trop d’obstacles qui limitent notre accès et nous empêchent de travailler en sécurité, à trop de violations du DIH et à une trop grande instrumentalisation de l’action humanitaire. Les Syriens ont trop vu de tout cela.

C’est tout le tissu social qui est à réparer. Les Syriens devront se réconcilier pour se prémunir contre les conflits à l’avenir. Ils ne le pourront que si leurs droits à tous sont respectés : ceux des détenus, des déplacés de retour chez eux comme des réfugiés. Il sera crucial aussi de rechercher d’urgence les personnes disparues et de répondre aux besoins de leurs familles.

Chers collègues, le conflit et la violence ont fait voler en éclats la vie de multitudes de gens en Syrie. La violence ne fait pas encore partie du passé mais nous devons regarder vers l’avenir et être attentifs au paysage qui est en train de changer sur le terrain.

Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et beaucoup d’autres continueront à jouer leur rôle comme ils l’ont fait tout au long du conflit. Il est plus important que jamais que vous continuiez à soutenir sans faillir l’action humanitaire neutre et impartiale.

Une nouvelle génération arrive à l’âge adulte. Le pays dont elle va hériter dépendra dans une large mesure de nous tous et de la façon dont nous réagissons maintenant.