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Deuil de Srebrenica : 25 ans après, le CICR rend hommage aux victimes

Il y a 25 ans, la souffrance et le chagrin s'abattirent sur une petite ville de l'est de la Bosnie, Srebrenica. Le 11 juillet marque l'anniversaire d'une tragédie qui coûta la vie de 8 372 personnes et en poussa bien plus encore à fuir. À ce jour, plus de mille d'entre elles restent disparues.

Lorsque la ville est tombée, Hajra Ćatić a perdu la trace de son époux et de son fils Nino, qui était un journaliste et un écrivain connu. Elle n'a jamais cessé de rechercher celui-ci depuis.

Un poème écrit par Nino, le fils d'Hajra, en mars 1993. Il a été retrouvé dans les bois autour de Srebenica, au dernier endroit où il a été vu, en juillet 1995. K FAINGNAERT/ICRC

Dix ans après les funestes événements de juillet 1995, la dépouille de son mari a été retrouvée dans un charnier et identifiée. Mais Hajra ignore encore ce qui est arrivé à son fils. Un poème, écrit de la main même de Nino en mars 1993, a été retrouvé dans la forêt où on l'a vu pour la dernière fois. Ce manuscrit constitue l'un des très rares effets personnels qu'Hajra conserve de son enfant. Son pire cauchemar est de ne pouvoir le retrouver pour lui donner une sépulture décente.

Sa plus grande crainte est de ne jamais le retrouver et ne pas pouvoir l'enterrer.

Srebrenica regorge de témoignages comme celui d'Hajra. En traversant la vallée qui mène à la ville, le voyageur qui passe devant le Mémorial de Srebrenica-Potočari peut sentir la présence des 6 610 âmes qui y sont gardées. D'après les registres du CICR, plus de mille personnes sont toujours portées disparues depuis juillet 1995, soit un quart de siècle après la tragédie. Des emplacements vides leur ont été réservés entre les tombes de Potočari, afin de pouvoir les inhumer aux côtés de leurs proches lorsqu'elles auront été retrouvées et identifiées.

Cette année, comme chaque année, une cérémonie de commémoration collective des victimes se tiendra le 11 juillet. Neuf personnes identifiées au cours des douze derniers mois seront ensevelies et rejoindront pour l'éternité le chœur silencieux qui accueille visiteurs et passants. À mesure que le temps passe, le nombre de personnes identifiées diminue inexorablement. Si les corps retrouvés et inhumés chaque année se comptaient avant par centaines, ils seront moins d'une dizaine en 2020.

Mémorial de Potočari. Des emplacements vides sont aménagés entre les rangées de tombes pour plus de mille victimes de Srebrenica encore portées disparues, afin de pouvoir les inhumer aux côtés de leurs proches une fois qu’elles auront été retrouvées et identifiées. Photo : K. Faingnaert/CICR

Les recherches ne peuvent plus avancer comme avant, c'est inévitable. Avec le temps, les souvenirs s'estompent et les informations fiables deviennent rares. Malgré tout, la situation et l'incertitude dans lesquelles sont plongés les proches exigent d'explorer toutes les pistes possibles en étroite coopération avec l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus d'enquête.

Le CICR recherche activement des informations sur les lieux pouvant encore receler des fosses communes. Nos experts passent au crible les archives du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux à La Haye, ainsi que de nombreuses autres archives. Les indices recueillis sont analysés puis transférés aux autorités compétentes pour qu'elles puissent à leur tour les examiner et prendre des mesures, le cas échéant.

D'aucuns pourraient considérer que compulser des archives et rassembler minutieusement des milliers de témoignages, de notes militaires ou autres est vain et voué à l'échec. Mais cette tâche est d'une importance capitale pour les familles car elles ont le droit de savoir ce qu'il est advenu de leurs êtres chers. Les communautés figées dans le chagrin ont besoin de trouver une réponse pour aller de l'avant et poursuivre le travail de réconcilation. Nous tous en avons besoin.

Le CICR travaille en étroite collaboration avec les survivants qui, en plus du tourment sans fin de l'incertitude, subissent souvent les conséquences sociales, juridiques et économiques de la disparition.

Avec ses partenaires, et notamment les organisations locales de la Croix-Rouge et de nombreuses associations de familles, le CICR apporte un soutien psychosocial aux proches, défend leur droit de savoir et sensibilise à leurs besoins – en Bosnie-Herzégovine comme dans le reste des Balkans occidentaux.

Au total, plus de 10 000 personnes demeurent portées disparues depuis les conflits qui ont déchiré la région dans les années 1990, dont 7 000 pour la seule Bosnie-Herzégovine. Vous trouverez davantage d'informations sur les familles des personnes disparues en Bosnie-Herzégovine et leurs besoins en cliquant ici.

Le Mémorial de Potočari porte le nom de chaque victime de Srebrenica. Neuf d’entre elles étaient des collaborateurs locaux du CICR. Photo : K.Faingnaert/CICR

Il est facile de céder au désespoir devant ces chiffres. Mais n'oublions pas les individus. N'oublions pas ceux et celles, à Srebrenica ou ailleurs, qui furent jadis aimés et bercés, et qui un jour ont nourri des espoirs et des rêves pour l'avenir. Un avenir qui leur fut brutalement arraché.

Il y a 25 ans, neuf collaborateurs du CICR ont perdu la vie à Srebenica. Ne les oublions pas.

Plus de 8 000 habitants de Srebrenica sont morts en juillet 1995. Neuf de nos collègues se trouvaient parmi eux. Leurs dépouilles ont été identifiées après avoir été exhumées de fosses communes ces dernières décennies.

Bajro Buljubašić, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 8 juin 2011.
Mevludin Džanić, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 15 mai 2006.
Samir Halilović, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 24 mars 2005.
Džemail Haskić, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 27 août 2009.
Rudolf Hren, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 13 novembre 2009.
Salko Hublić, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 8 février 2005.
Muhamed Mehanović, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 8 mars 2005.
Ahmo Mujić, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 29 juin 2010.
Husein Šabanović, exhumé d'une fosse commune ; identifié le 13 mai 2008.

Ils reposent aujourd'hui au Mémorial de Srebrenica-Potočari.