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Géorgie : une mère enfin en paix grâce à l’identification des restes de son fils

Badri Gamgebeli a disparu en septembre 1993, pendant le conflit armé qui a déchiré l'Abkhazie.

Au cours des 23 années qui ont suivi, plusieurs témoignages selon lesquels il était encore en vie sont parvenus à sa famille. Certains jours, sa mère Ekaterine voulait y croire et attendait son retour. D'autres jours, tout espoir l'abandonnait : si son fils avait été en vie, il aurait trouvé un moyen de le lui faire savoir car ils entretenaient un lien privilégié. « Badri m'adorait ; il ne m'aurait jamais laissée souffrir. J'étais convaincue que s'il était encore de ce monde, il aurait tout fait pour que je le sache », explique-t-elle.

Ce n'est pas la première disparition survenue dans la famille. Ushangi, le père de Badri, avait lui-même grandi sans père, celui-ci ayant disparu au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après leur mariage, Ekaterine et lui ont dû se contenter d'une chambre chez un proche en attendant de posséder leur propre maison. Partis de rien, ils ont travaillé dur sur leur lopin de terre pour vendre leurs fruits et légumes, et élever ainsi leurs six enfants.

Après des années d'efforts, le jeune couple a pu construire sa propre maison. Mais, alors qu'ils envisageaient enfin l'avenir sous un jour meilleur, Ushangi est décédé. Peu après, la guerre a éclaté et deux de leurs fils ont été envoyés au front en Abkhazie. Un seul en est revenu. Selon les propres mots d'Ekaterine, le décès précoce de son mari aura au moins épargné à celui-ci la douleur de perdre un autre être cher.

Badri était le plus éveillé des garçons de la famille. Sociable et toujours prêt à aider ses voisins, il était connu et respecté de tous. Pendant son service militaire obligatoire, il avait coutume d'écrire à sa mère. Dans ses lettres, il parlait de sa vie et de ses amis, et disait à quel point les siens lui manquaient, en particulier sa mère. Pendant plus de 20 ans, lorsque Badri figurait encore sur la liste des personnes disparues, Ekaterine n'a cessé de les relire. Elles lui ont donné la force d'affronter la réalité. « Je connais ces lettres par cœur. J'y suis très attachée. Je les serre et les conserve tout contre moi, comme un cadeau précieux laissé par mon fils », explique-t-elle.

Les restes de Badri ont été identifiés en 2016, avec ceux d'autres personnes, grâce à un programme mené par le CICR. Sa famille a décidé de l'enterrer au cimetière militaire de Tbilissi, en compagnie d'autres soldats dont les restes ont également pu être identifiés. Ses proches peuvent désormais se rendre sur sa tombe, y déposer des fleurs et des bougies.

« J'ai attendu 23 ans avant de savoir ce qui était arrivé à mon fils, raconte Ekaterine. Cela m'a permis de sortir de l'incertitude. Enterrer un fils est une expérience épouvantable pour une mère. Mais au moins, maintenant, je peux me rendre sur sa tombe lorsque j'en ressens le besoin, pour y déposer des fleurs et lui parler. Je connais de nombreuses mères qui n'ont pas cette possibilité et qui sont encore rongées par le doute. Je suis reconnaissante au CICR de nous avoir soutenus dans toutes nos démarches, d'avoir été présent pour partager notre chagrin et notre joie ».