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Des raids aériens du Moyen-Orient aux soins de santé dans la jungle colombienne

Trois femmes sur la ligne de front

 

Les femmes ont toujours joué un rôle de premier plan dans notre action ; cela vaut tout particulièrement pour l'Amérique du Sud, où plus de la moitié du personnel déployé sur le terrain sont des femmes.

À l'occasion de cette Journée internationale de la femme, voici trois de leurs récits.

Marie-Claire Feghali

Travailleuse humanitaire brésilienne

J'ai tout vu !

De ma mission en Irak à mon poste actuel, en Indonésie. Mais c'est mon expérience au Yémen qui m'a le plus marquée.

Les raids aériens se succédaient, parfois pendant des mois. On ne savait jamais à quel moment une bombe risquait d'être lâchée. Comment les gens allaient-ils pouvoir survivre ? Et vous-même ? Vous n'en aviez aucune idée. La nourriture était limitée ; le carburant, les combustibles, les médicaments et les médecins étaient rares. On manquait de tout, tout le temps.

Je me souviens du jour où un avion est finalement arrivé avec des équipements chirurgicaux. Tout le monde l'attendait car ce matériel manquait cruellement. Cela a été l'un des plus beaux jours de ma vie, encore plus beau que celui de mon mariage.

 

Tatiana Flórez

Travailleuse humanitaire colombienne

J'ai assisté à la libération de 114 personnes.

Ces personnes étaient aux mains de groupes armés, privées de leur liberté. Mon rôle était de m'assurer qu'elles étaient en assez bonne santé pour voyager. La première chose que j'ai faite a été de saisir leurs mains en disant : nous sommes là pour vous.

J'ai perdu le compte des personnes libérées par des groupes armés dont je me suis occupée ; je crois qu'elles se comptent désormais par centaines.

Je me souviens encore de la première fois où j'ai cédé à la panique.

Cela s'est passé au milieu des années 1990, dans une zone fortement touchée par le conflit armé. La personne était blessée, et j'étais effrayée car il est difficile de donner des soins quand on se trouve « au milieu de nulle part ». Je n'avais alors que peu d'expérience et j'étais très jeune. Je n'avais que 24 ans.

Lorsque j'ai vu que la personne allait être libérée, ma peur a disparu. Je n'oublierai jamais ce que cet homme a dit en me voyant : « j'ai l'impression que votre sourire m'a déjà guéri ».

Aujourd'hui encore, je pleure chaque fois que je vais sur le terrain pour soigner une personne qui est sur le point d'être libérée. Mais si le jour devait venir où je ne verserais pas une seule larme lors d'une opération de libération, je démissionnerais.

 

Graziella Leite Piccoli

Brazilian humanitarian worker

Les gens me respectent-ils sur la ligne de front ?

On me pose souvent cette question. À dire vrai, si je repense à mes 20 dernières années sur le terrain, je ne me souviens pas d'avoir eu une seule fois l'impression que l'on me manquait de respect pour la simple raison que j'étais une femme. Je me suis toujours sentie respectée.

Je suppose que dans plusieurs circonstances, les personnes avec qui je travaillais auraient préféré que je sois un homme. Je ne pense pas pour autant que le fait d'être une femme ait eu un impact négatif sur ma capacité de remplir ma tâche.

À bien des égards, quand on est sur la ligne de front, il est bon d'être une femme. J'ai pu me rendre dans des endroits auxquels mes collègues masculins n'avaient pas accès. J'ai passé du temps avec des femmes dans leur maison, en parlant avec elles d'hygiène et de soins de santé.

Il me semble que depuis quelques années, les femmes sont de mieux en mieux acceptées. De plus en plus, les femmes sont vues comme jouant un rôle inestimable dans l'action humanitaire. Je suis fière d'être de la partie.

 

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