Article

Accord du CICR avec l'UNESCO pour la protection des biens culturels- Questions & réponses

Depuis peu, une attention toute particulière est apportée à la destruction des monuments historiques dans nombre de conflits armés de par le monde. Et pourtant, on ne sait pas toujours qu'en cas de conflit armé, les biens culturels sont protégés au titre du droit international humanitaire.

Le CICR a récemment signé un protocole d'accord avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) afin de renforcer davantage la coopération sur cette question. Antoine Bouvier, des Services consultatifs en droit international humanitaire du CICR, explique plus en détail en quoi consistera cette coopération.

Quelle importance revêt ce protocole d'accord entre le CICR et l'UNESCO ?

Il s'agit du premier accord de ce genre signé entre les deux organisations. Cet accord est important dans la mesure où il accorde plus de poids à l'action menée par le CICR et l'UNESCO et la renforce afin d'encourager un plus grand nombre d'États à devenir parties aux instruments relatifs à la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Ces instruments sont très spécifiques et de nombreuses dispositions doivent être intégrées dans le droit interne des États pour pouvoir être mises en œuvre. Le CICR et l'UNESCO assistent depuis de nombreuses années les États dans ce processus de « transposition nationale ». L'accord ouvre aussi la voie à un échange plus important d'informations entre le CICR et l'UNESCO afin que les biens culturels menacés soient protégés et que le CICR puisse jouer son rôle opérationnel de sauvetage et d'évacuation des biens culturels dans certaines situations de conflit.

Coopération entre l'UNESCO et le CICR en matière de protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé> (en anglais)

Que signifieront ces nouveaux types de coopération dans la pratique ?

Des informations pourraient, par exemple, être échangées sur des menaces spécifiques de violation des instruments relatifs à la protection des biens culturels ou sur des attaques les ciblant. Nous pourrions également favoriser les contacts entre l'UNESCO et d'autres parties pour faciliter l'évacuation des biens culturels menacés – un domaine dans lequel l'UNESCO a plus d'expertise et de ressources que nous. Alors que le CICR, par le biais de ses Services consultatifs en droit international humanitaire (DIH), favorise systématiquement les règles de protection des biens culturels en cas de conflit armé et contribue à leur diffusion et à leur mise en œuvre nationale, l'UNESCO a une très grande expertise en matière d'élaboration de normes et de mesures concrètes de protection des biens culturels. Une bonne synergie existe donc entre les deux organisations.

Quelle est l'opinion du CICR sur le récent procès de la Cour pénale internationale à l'encontre de ceux qui ont détruit les biens culturels ?

Nous ne pouvons pas commenter des cas particuliers. Mais nous pouvons affirmer que les biens culturels sont protégés en cas de conflit armé par des instruments spécifiques, notamment par les Protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève, et par la Convention de 1954 de La Haye et ses deux Protocoles, ainsi que par le DIH coutumier. Les États parties sont tenus, au regard du DIH, de traduire en justice et de punir les personnes reconnues coupables de violations graves des dispositions de ces instruments. Conformément à l'article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, les violations les plus graves sont des actes constitutifs du crime de guerre. Les cas de ce genre sont peu nombreux à ce jour, mais on peut observer que ce type de crime de guerre devient de plus en plus préoccupant et qu'il existe une volonté manifeste à poursuivre leurs auteurs.

Alors que les violations du droit international humanitaire portant atteinte à la vie humaine et aux infrastructures vitales sont généralisées, en quoi un bien culturel est-il si important ?

Respecter la dignité de la population c'est respecter sa culture. Les attaques délibérées contre des biens culturels sont des marques de mépris, et le mépris peut servir d'excuse ou de prétexte aux pires outrages, voire en être souvent le précurseur. La destruction des biens culturels peut être considérée comme une tentative de destruction non seulement des églises et des bibliothèques par exemple, mais aussi de l'identité culturelle d'une société tout entière. La lutte pour la défense des biens culturels d'une population, et par voie de conséquence, le respect de sa dignité, fait donc partie intégrante de l'action humanitaire qui vise à protéger la population.

Par ailleurs, les personnes sont toujours plus conscientes que la destruction des biens culturels peut avoir des répercussions très graves et durables, par exemple, sur le processus de rétablissement des relations entre anciens belligérants et sur la réconciliation entre des sociétés déchirées par la guerre.

Mais est-ce possible de considérer que la destruction des biens culturels n'entre pas dans le cadre d'une action humanitaire vitale ?

Il est clair qu'il faut, en priorité, sauver des vies humaines, protéger les hôpitaux et les installations médicales avant de préserver les biens culturels. Mais si nous perdons de vue l'importance des biens culturels, et si nous assistons à leur destruction sans réagir, les attaques contre des personnes, des blessés et des malades dans des structures de santé risquent, elles aussi, d'augmenter.

Est-ce facile de définir des biens culturels ?

Au sens de la loi, il existe une définition bien établie des biens culturels. Cette définition recouvre à la fois les biens meubles et les biens immeubles qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples. Les églises ou les monuments, par exemple, ne sont pas tous protégés en tant que biens culturels, même s'ils sont protégés au titre du DIH comme biens de caractère civil. Il est vrai, cependant, que dans de nombreux cas, le fait de déterminer la valeur d'un bien pour savoir s'il peut être considéré comme bien culturel est un processus difficile et quelquefois sujet à controverse.

La Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé reconnaît la protection du patrimoine culturel de tous les peuples. Elle a été complétée par les Protocoles additionnels de 1977, et fait aujourd'hui partie du droit international coutumier.


Plus d'informations sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé >