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Pakistan : six femmes médecins racontent leur vécu et leurs espoirs pour les générations futures

Pour devenir médecin, il faut être capable de relever de nombreux défis. Mais pour devenir médecin au Pakistan quand on est une femme, il faut aussi une volonté à toute épreuve. Six praticiennes basées dans ce pays nous parlent de leur travail, et du chemin qu'elles ont parcouru pour pouvoir opérer dans des services d'urgence, prescrire des médicaments et sauver des vies. Un témoignage sans concession sur les succès qu'elles ont connus, les épreuves qu'elles ont traversées et les changements qu'elles souhaiteraient voir dans un proche avenir.

Le point de départ

Pour comprendre pourquoi il leur a fallu tout ce temps pour arriver là où elles sont aujourd'hui, il est bon de commencer par se pencher sur leurs parcours respectifs.

La doctoresse Nimra, en poste à l'hôpital Indus, attribue le mérite de son parcours professionnel à sa sœur aînée, qui avait entrepris des études de médecine quelques années auparavant. C'est elle qui l'a incitée à suivre le même chemin et qui lui a donné la motivation nécessaire pour être finalement admise dans l'université de ses rêves.

 

Dr Nimra Farooq

La doctoresse Shahzadi, chirurgienne généraliste basée à Karachi, avait d'autres motivations, mais tout aussi solides, pour étudier la médecine. Ses parents pensaient que les seuls emplois respectables pour une femme étaient dans l'enseignement ou le médical. Si elle a suivi leur conseil dans un premier temps, elle s'en est quelque peu écartée par la suite, choisissant de devenir chirurgienne. D'abord opposés à l'idée que leur fille exerce une profession essentiellement masculine, ses parents ont fini par respecter sa décision.

Mehwish, pharmacienne à Islamabad, était la plus brillante de ses frères et sœurs, ce qui lui a valu la liberté d'explorer diverses possibilités de carrière et de formation. Au début, elle voulait devenir enseignante, mais sa passion pour la biologie l'a poussée vers des études de médecine ou de physiothérapie, pour lesquelles elle avait le plein appui de son père. Le destin a finalement voulu que Mehwish suive un cursus de pharmacologie.

 

Les épreuves et les défis

Tous les médecins du monde doivent s'astreindre à de longues études, réussir des examens difficiles et se soumettre à des procédures rigoureuses, qui exigent d'importants sacrifices en termes de temps et de vie sociale. La doctoresse Samana en sait quelque chose, elle qui a passé de nombreuses nuits blanches à étudier, redoublant d'efforts après avoir échoué à certains examens pour finalement réussir à devenir médecin.

Malgré les succès, la vie sociale sur le campus et avec ses amis lui manquait terriblement. Heureusement son père était là pour la soutenir, et elle a fini par décrocher l'emploi dont elle avait toujours rêvé.

 

Dr. Samana 

Nous devons être résilients face à l'adversité et tenir bon quand elle se dresse sur notre chemin au lieu de céder au découragement – Dr Sidra

Les doctoresses Sidra et Shahzadi ont rencontré des difficultés d'un autre ordre, liées au fait que les femmes médecins n'ont pas le respect qu'elles méritent. Si toutes deux ont vécu des moments qui leur ont empli le cœur de joie, elles ont aussi été la cible, sur le lieu de travail, d'incivilités répétées de la part des proches de certains patients. La souffrance éprouvée par les familles des malades est bien compréhensible et ne laisse personne indifférent, mais elle ne saurait justifier les comportements agressifs dont ces praticiennes dévouées ont été victimes et dont elles gardent un souvenir douloureux.

Dr Shahzadi

La doctoresse Shahzadi savait que ce serait difficile. Ses parents l'avaient prévenue qu'elle serait un jour ou l'autre confrontée à ce type d'expériences éprouvantes, mais il en aurait fallu davantage pour la décourager et la détourner de sa vocation – sauver des vies.

« Nous devons être résilients face à l'adversité et tenir bon quand elle se dresse sur notre chemin au lieu de céder au découragement », affirme la doctoresse Sidra.

 

Dr Sidra Masoom

C'est exactement ce qu'a fait la doctoresse Ghina devant un obstacle professionnel très répandu : le sexisme sur le lieu de travail. Déterminée à faire bouger les lignes, elle s'est employée à montrer à ses collègues masculins qu'elle était capable de faire de longues journées et d'assurer sa part des gardes tout en s'acquittant de ses obligations d'épouse, de mère et de fille. L'équilibre qu'elle a su trouver entre son travail et sa vie privée a été déterminant pour le succès de sa carrière de chirurgienne. Aujourd'hui, elle est fière du chemin parcouru, « qui a été riche en enseignements et en satisfactions ».

 

Les espoirs pour l'avenir

Mehwish partage son temps entre son métier de pharmacienne et le cours de traumatologie d'urgence du CICR, où elle intervient comme formatrice. Elle compte bien faire bouger les choses et obtenir que les pharmaciennes soient mieux respectées.

Il y a des signes encourageants : Mehwish se souvient par exemple avec bonheur des remerciements chaleureux reçus d'une collègue à qui elle avait prescrit un médicament pour soulager ses douleurs. « Tu es le meilleur docteur au monde », lui avait lancé sa collègue.

Mehwish

Outre le patient travail de sensibilisation qu'elle mène auprès du secteur médical, la doctoresse Ghina s'emploie à partager ses connaissances et son expérience dans le cadre des programmes de formation qu'elle organise en coopération avec le CICR, à Karachi. De son point de vue, travailler dur ne suffit pas. Le travail de soignant requiert une qualité humaine essentielle : l'empathie. « Pour devenir un bon professionnel de la santé, il faut commencer par cultiver son humanité et apprendre à se mettre à la place du patient », explique-t-elle.

La doctoresse Nimra est du même avis et pratique l'empathie au quotidien. « Le fait d'être capable de me mettre à la place des gens m'aide énormément dans mon travail », confirme-t-elle. Si elle espère devenir une professionnelle qualifiée dans les cinq années à venir, elle s'attache pour l'instant à enrichir ses connaissances en suivant des formations et en participant à des ateliers organisés par le CICR.

 

Pour devenir un bon professionnel de la santé, il faut commencer par cultiver son humanité et apprendre à se mettre à la place du patient – Dr Ghina Shamim

 La doctoresse Shahzadi, qui suit également le cours de traumatologie d'urgence du CICR, espère quant à elle que le récit de sa propre expérience amènera de nombreux parents à soutenir leurs enfants dans leurs choix, en particulier s'ils ont une fille qui souhaite faire carrière dans le secteur médical.

Dr Ghina Shamim


« Les obstacles font partie de la vie, mais ils ne doivent pas dissuader les femmes de poursuivre leurs aspirations », tient-elle à ajouter. « Je veux aussi m'adresser aux parents, et leur dire qu'il faut investir dans l'éducation des filles. Investir dans l'éducation des filles, c'est investir dans l'avenir. Les femmes sont l'avenir de l'humanité. »

 

Le présent article a été rédigé à partir des témoignages parus dans Humans of Pakistan.

Crédit photo : Humans of Pakistan