Déclaration

Portée et application du principe de compétence universelle – déclaration du CICR aux Nations Unies, 2017

Assemblée générale des Nations Unies, 72ème session, Sixième Commission, Point 85 de l'ordre du jour, Déclaration du CICR, New York, Octobre 2017.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) se félicite de l’intérêt continu que l’Assemblée générale des Nations Unies accorde à la portée et à l’application de ce principe, et prend note avec satisfaction du dernier rapport du Secrétaire général sur le sujet, auquel le CICR a apporté sa contribution.

Le principe de compétence universelle est l’un des principaux outils permettant de prévenir les violations graves du droit international humanitaire (DIH) et, si elles se produisent, de les réprimer par des sanctions pénales.

Les Conventions de Genève de 1949 disposent que les États parties ont l’obligation de rechercher les personnes soupçonnées d’avoir commis des violations graves – qui constituent  des crimes de guerre – quels que soient leur nationalité et le lieu où l’infraction présumée a été commise, et de les déférer à leurs propres tribunaux ou de les remettre pour jugement à un autre État partie concerné. Le Protocole additionnel I de 1977 aux Conventions de Genève étend cette obligation aux violations graves qu’il définit.

D’autres instruments  internationaux font également obligation aux États parties de conférer à leurs tribunaux une forme de compétence universelle en cas de violation grave des règles énoncées dans leurs dispositions. En outre, la pratique des États et l’opinio juris ont contribué à consolider une norme coutumière selon laquelle les États peuvent élargir la compétence universelle à d’autres violations graves du DIH. Sont notamment concernées les violations graves de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et du Protocole additionnel II de 1977, ainsi que d’autres crimes de guerre, tels que ceux énoncés dans l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale de 1998.

C’est aux États qu’il incombe au premier chef d’enquêter sur les allégations de violations graves du DIH et de poursuivre les auteurs présumés de ces violations. Lorsque les États n’engagent aucune procédure judiciaire à l’encontre de ces derniers, cependant, l’exercice de la compétence universelle par d’autres États peut être un moyen efficace d’établir les responsabilités et de faire ainsi reculer l’impunité.

Le CICR a recensé plus de 110 États ayant mis en place dans leur cadre juridique national une forme de compétence universelle pour les violations graves du DIH. D’autres États ont donné effet au principe de compétence universelle par des décisions de leurs tribunaux et des initiatives nationales. On citera au nombre de celles-ci la mise en place de mécanismes et de réseaux d’assistance juridique mutuelle permettant de partager les pratiques nationales pertinentes, ainsi que la création, au sein du parquet ou des tribunaux, d’unités chargées d’enquêter sur les allégations de crime de guerre et de poursuivre les auteurs présumés des actes. Nous observons une augmentation régulière du nombre des poursuites fondées sur le principe de compétence universelle pour des crimes de guerre.

De tels efforts montrent que les États ont recours au principe de compétence universelle pour lutter efficacement contre l’impunité et établir la responsabilité des auteurs de violations graves du DIH commises au-delà de leurs frontières, dans le cadre de conflits armés actuels ou passés.

Dans les nombreuses activités liées au DIH qu’il mène à travers le monde, le CICR continue d’œuvrer pour la prévention et la répression des violations graves du DIH en aidant les États à renforcer leur législation pénale nationale et à établir la compétence universelle pour les violations graves du DIH. Nous produisons également des documents techniques et des outils pratiques sur l’application de la compétence universelle. Nous avons récemment publié une mise à jour de nos commentaires des Ire et IIe Conventions de Genève de 1949. Ces commentaires contiennent des informations précieuses sur la compétence universelle, dans le contexte des articles des Conventions relatifs aux violations graves. Ils examinent en détail, notamment, le principe de compétence universelle contenu dans le régime des violations graves et la manière dont les États parties l’ont mis en œuvre au cours des dernières décennies.

Le CICR reconnaît qu’il peut exister des obstacles à l’application effective du principe de compétence universelle, mais rappelle que, si les États peuvent assortir de conditions l’application du principe de compétence universelle aux infractions graves ou à d’autres violations graves du DIH, ces conditions doivent viser à améliorer l’efficacité et la prévisibilité de la compétence universelle et ne doivent pas restreindre inutilement la possibilité de traduire en justice les auteurs présumés de violations.

Nous continuerons de suivre avec le plus grand intérêt les discussions sur le principe de compétence universelle au sein de la Sixième Commission et d’autres instances de l’ONU. Enfin, le CICR tient à réaffirmer qu’il continuera de dialoguer avec les États et de soutenir leurs efforts pour faire davantage respecter le droit international humanitaire, notamment dans ce domaine.