Article

RDC : fournir des soins de santé vitaux malgré l’insécurité

Dans la région de Lulingu, une localité de la province du Sud-Kivu, l'enclavement et l'insécurité rendent le travail du personnel de santé vital, mais également dangereux. Alors que le projet chirurgical du CICR dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) prend en charge son 1 500e patient, nous avons rencontré le docteur Makonga à l'hôpital de Lulingu, où il exerce dans des conditions difficiles.

Le docteur Makonga, médecin-chef adjoint à l'hôpital de Lulingu, reçoit les patients vêtu d'un jean et d'un T-shirt noir. Avant qu'il ne commence son tour du service de pédiatrie, une de ses collègues lui prête une blouse, trop petite pour lui. « J'ai perdu la mienne quand nous avons dû fuir l'hôpital pour nous réfugier en brousse lors des derniers affrontements », explique-t-il.

La région, riche en ressources naturelles, souffre de l'insécurité et de son enclavement. Elle est accessible uniquement par avion, mais les quelques vols commerciaux qui la desservent sont souvent perturbés par les combats entre des groupes armés et l'armée régulière.

L'isolement et le conflit prolongé ont de graves conséquences sur les soins de santé dans l'est du pays. L'insécurité a conduit le personnel soignant à partir de certaines régions. Les structures de santé, abandonnées et souvent pillées, ferment leurs portes.

« Cela fait quatre ans que je travaille ici, raconte le docteur Makonga, et le personnel de santé a toujours été exposé à la violence. La situation est très instable et peut se détériorer à tout moment. Avant, nous entendions des coups de feu à deux ou trois kilomètres d'ici, mais récemment, des affrontements ont eu lieu aux abords de l'hôpital et même à l'intérieur ».

Depuis 4 ans, le Dr Makonga soigne les malades et blessés à Lulingu, malgré l'insécurité qui affecte cette zone reculée du Sud-Kivu. CC BY-NC-ND / CICR / Alyona Synenko

Œuvrer dans une zone de conflit demande du courage et du dévouement de la part du personnel médical. « Même quand nous travaillons sous le crépitement des balles, nous n'abandonnons pas nos patients. S'il faut fuir dans la forêt, nous partons avec eux, et nous revenons avec eux. Et puis, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre, nous les traitons de la même façon. On n'abandonne pas les malades », martèle encore le médecin d'un ton déterminé.

Lorsque des combats éclatent, les habitants des villages cherchent refuge dans la forêt, où les conditions de vie difficiles contribuent à la prolifération des maladies. Les malades doivent parfois attendre des semaines avant que les conditions de sécurité ne leur permettent de se rendre à nouveau dans un centre de santé, ce qu'ils doivent faire à pied souvent, sur de longues distances. Dans un tel contexte, le travail du personnel soignant doit se poursuivre hors des murs de l'hôpital.

Les malades doivent parfois marcher plusieurs heures pour recevoir des soins. CC BY-NC-ND / CICR / Alyona Synenko

« Il m'est déjà arrivé plusieurs fois, en fuyant des affrontements, de trouver un blessé par balle. Il faut alors s'arrêter pour lui prodiguer les premiers soins et ensuite le transporter vers un endroit plus sûr. Quand la situation se calme, on rentre à l'hôpital, poursuit le docteur Makonga. Mais le seul moyen d'évacuer les blessés les plus graves vers l'hôpital provincial de Bukavu reste l'avion. Et en général, nous les faisons prendre en charge par le CICR. »

La prise en charge des blessés par balle demande en effet une expertise particulière. Les patients sont transférés vers l'hôpital provincial général de référence de Bukavu ou vers le centre hospitalier Bethesda-Ndosho à Goma, deux structures auxquelles le CICR apporte son soutien. L'évacuation des patients, les soins et les coûts liés à leur prise en charge sont couverts par l'institution. Pour permettre le transfert des blessés dans les meilleures conditions possibles, les professionnels de santé des structures environnantes ont bénéficié de formations pour stabiliser les patients avant leur transfert à l'hôpital.

Les défis sont nombreux pour un médecin travaillant dans un endroit comme Lulingu. Le docteur Makonga confie qu'il est pénible de rester éloigné de ses proches. « Ma famille est loin, à Bukavu. Faute de moyens de transport, je ne les vois que très rarement. Pour moi c'est ce qui est le plus difficile. »

 Je voulais qu'on me laisse mourir 

Adolphe, un éleveur de la région de Walungu, a été blessé par des hommes armés. Ils lui ont tiré dans les mains quand il a refusé de tuer une de ses vaches pour leur donner de la nourriture. Les volontaires de la Croix-Rouge de son village l'ont amené au centre de santé, mais son état de santé était trop grave pour qu'il puisse être soigné sur place. Alors les volontaires ont marché 20 kilomètres, pour l'amener à l'hôpital le plus proche. De là, il a été transféré à l'équipe du CICR.

« Au début je voulais qu'on me laisse mourir à coté de mes enfants, parce que de toute façon je n'avais pas de moyens pour payer les soins à Bukavu, se rappelle-t-il. À l'hôpital de Bukavu, j'ai vu plusieurs autres blessés. Cela m'a aidé à comprendre que je ne suis pas seul et à accepter ma situation. Je sais qu'à la sortie de l'hôpital, ma vie ne sera pas facile. J'ai perdu mes doigts et je ne sais pas comment je vais nourrir mes enfants. Mais ma famille est grande, et nous trouverons une solution. »

À l'hôpital de Lulingu, le CICR :

  • a rénové la maternité, construit un incinérateur pour améliorer la gestion des déchets et commencé à réhabiliter le bloc opératoire (les travaux sont toujours en cours en octobre 2015) ;
  • a soutenu la prise en charge des patients par des dons de médicaments pendant toute une année (jusqu'en septembre 2015) ;
  • aide à l'évacuation des blessés de guerre vers l'hôpital provincial général de Bukavu, où ils reçoivent des soins adaptés à leur état.