Déclaration

Déclaration du CICR à la conférence Habitat III

Déclaration faite à la conférence Habitat III par Hugo Slim, responsable de la Cellule politiques humanitaires au Comité international de la Croix-Rouge, 17-20 octobre 2016, Quito, Équateur

Le CICR se félicite de l’adoption du Nouveau Programme pour les villes.

Dans sa déclaration, sa vision, ses engagements et son plan de mise en œuvre, le Nouveau Programme pour les villes cristallise très justement l’attention sur les villes que nous voulons. Pourtant, et c’est inévitable, il doit, dans un premier temps, composer avec les villes que nous avons.

Tandis que nous sommes réunis ici à Quito, à Alep, en Syrie, des dizaines de milliers de personnes luttent pour survivre dans une ville presque totalement en ruine, alors que le conflit armé achève de détruire leurs maisons, de tuer leurs proches et d’anéantir des services de santé, d’eau et d’électricité aux abois.

Au même moment, en Irak, les habitants de Mossoul s’apprêtent à vivre une longue bataille qui risque de semer la mort et la destruction dans les quartiers de la cité. Comme les habitants de Fallouja avant elles, ce sont aujourd’hui des centaines de milliers de personnes qui pourraient devoir fuir leur ville en abandonnant tout derrière elles, pour aller grossir les rangs des 65 millions de personnes déplacées de force, dont les trois-quarts vivent désormais en zone urbaine.

Le tout premier défi que le Nouveau programme pour les villes se propose de relever est de rendre les villes d’aujourd’hui résilientes aux effets des conflits armés, des catastrophes et de la violence. Une ville véritablement résiliente est une ville qui continue à fonctionner dans l’adversité comme dans la prospérité ; et c’est à sa capacité de faire face à l’adversité que l’on mesurera le degré de résilience d’une ville. Faire que les villes continuent à fonctionner pour permettre à leurs habitant de continuer à vivre dans les terribles conditions que sont celles des conflits, des catastrophes et de la violence est le défi qui sous-tend explicitement les engagements humanitaires de taille contenus dans le Nouveau Programme pour les villes.

Cela dit, aucune ville ne devrait subir ni tolérer des violations du droit international humanitaire (DIH), comme relevé au paragraphe 30 du Nouveau Programme pour les villes. Aussi le CICR appelle-t-il toutes les parties à un conflit à respecter le DIH dans les situations de guerre urbaine – qui sont de nos jours toujours plus courantes. En outre, nous demandons instamment aux parties belligérantes de s’abstenir d’utiliser des armes explosives ayant un large rayon d’impact dans des zones à forte densité de population ; comme nous leur demandons de protéger les structures de santé, leur personnel et les patients.

Pour que puissent voir le jour les engagements humanitaires de taille contenus dans ce Nouveau Programme pour les villes, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge n’a pas ménagé ses efforts, soutenu dans cette entreprise par de nombreux États ici présents, par ONU-Habitat et par les différentes parties prenantes membres de l’Assemblée générale des partenaires. Nous nous réjouissons de constater que ces engagements viennent ponctuer les différents paragraphes du Nouveau Programme pour les villes.

Ce n’est pas uniquement dans le cadre des conflits tragiques qui déchirent le Moyen-Orient que des villes sont détruites et des personnes contraintes de fuir pour aller grossir les rangs des déplacés en milieu urbain ou ceux des migrants partis chercher refuge dans un autre pays.

Des millions d’habitants des villes, agglomérations urbaines et autres établissements spontanés du monde entier vivent dans des conditions similaires. Les conflits armés et la violence urbaine contraignent des milliers de personnes à se déplacer d’un quartier à l’autre de leur ville, en quête de sécurité ; elles sont souvent accueillies par les plus démunis de leurs congénères, qui vivent déjà dans une extrême précarité.

La guerre redessine la physionomie des villes. Une petite ville du nord du Nigéria a récemment vu sa population multipliée par vingt en trois jours en raison de l’afflux massif de personnes venues y chercher refuge. Les villes et les agglomérations du bassin du lac Tchad ressemblent aujourd’hui à celles du Soudan du Sud, de la République centrafricaine et de la République démocratique du Congo. Désormais, elles abritent elles aussi une nouvelle catégorie de personnes ayant fui leur lieu de résidence, les « déplacés en milieu urbain », qui se retrouvent le plus souvent privés d’accès aux services essentiels. En Asie, en Afghanistan et à Myanmar notamment, les villes et les agglomérations urbaines sont confrontées aux mêmes défis.

Les deux domaines critiques principaux dans les villes touchées par un conflit armé ou par la violence urbaine sont la sécurité et les services. La sécurité et les services constituent en effet le double défi auquel doivent faire face les maires et les autorités municipales, de même que leurs partenaires opérationnels.

Au CICR, nous nous réjouissons dès lors de constater l’importance considérable que le Nouveau Programme pour les villes accorde à la sécurité et aux services. C’est dans ces deux domaines que les humanitaires doivent gagner le combat qu’ils mènent pour venir en aide aux populations qui subissent les effets de la violence armée.

Mais, ne nous voilons pas la face : on ne viendra pas à bout des conflits armés ni de la violence urbaine au cours des vingt prochaines années que couvre le Nouveau Programme pour les villes. Les engagements en faveur de la sécurité et des services contribueront dans une large mesure à orienter les politiques en la matière à l’heure où les autorités municipales travaillent en étroite coopération avec les organisations humanitaires pour veiller à ce que les villes respectent les limites que le droit impose dans la conduite des hostilités, et à ce qu’elles protègent les personnes les plus à risque et remédient aux conséquences humanitaires de la violence armée.

Si c’est à sa capacité de faire face à l’adversité que l’on mesurera le degré de résilience d’une ville, c’est à son aptitude à garantir la dignité de ses citoyens que l’on évaluera l’efficacité de sa sécurité et de ses services. Même dans les pires moments, une ville doit s’efforcer d’affirmer et de préserver la dignité de tous ses habitants ou de toutes les personnes qui viennent y chercher refuge.

Le CICR est heureux d’avoir été associé à Habitat III, et c’est avec plaisir qu’il souscrit d’ores et déjà à la déclaration que va faire le président de la Croix-Rouge équatorienne au nom de tout le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Le Nouveau Programme pour les villes est désormais lancé et doit sans plus attendre s’attaquer aux réalités des villes d’aujourd’hui. Car, comme les habitants d’Alep ne manqueraient certainement pas de nous le rappeler, une ville où il fait bon vivre est une ville sûre.