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La tragédie des personnes disparues

Chaque année, le 30 août, on célèbre la Journée internationale des personnes disparues. Mais pourquoi ne fait-on pas davantage d'efforts pour savoir ce que sont devenues toutes ces personnes ?

À cette occasion, pendant quelques heures, on reparlera des « personnes portées disparues », à grand renfort d'histoires bouleversantes et de témoignages poignants. Puis l'élan retombera, les larmes sécheront et la vie reprendra son cours normal. Tout comme chaque année.

Mais, pour les milliers de familles qui ont perdu un proche, les larmes ne sécheront pas et il faudra faire en sorte de continuer à vivre avec la douleur intense liée à l'incertitude de ne pas savoir ce qu'il est advenu de leurs proches.

La vice-présidente du CICR, Mme Christine Beerli, s'est rendue en janvier de cette année au Soudan du Sud, où elle a rencontré des familles de disparus. « Être témoin de leur souffrance a été une expérience profondément bouleversante. La douleur de ne pas savoir où se trouvent leurs proches pouvait se lire dans leurs yeux. Et, bien entendu, cette douleur est partagée par tant de personnes, et dans tant de de régions du monde », s'émeut-elle.

« Il y a tant de mères, de pères et d'enfants qui espèrent jour et nuit pouvoir à nouveau entendre résonner les pas de leurs êtres chers et les voir franchir le seuil de leur maison », rappelle encore Mme Beerli.

« Une indifférence embarrassante »

Des centaines de milliers de personnes sont actuellement portées disparues dans le monde à la suite d'un conflit armé, d'autres situations de violence ou de catastrophes naturelles, ou en raison de la migration.

Le CICR apporte son concours de nombreuses manières, que ce soit en recherchant les personnes disparues, en identifiant leurs restes, en venant en aide aux familles ou en rappelant aux États qu'ils sont tenus de faire la lumière sur le sort des disparus.

Mais, pour le président du CICR, Peter Maurer, l'indifférence à l'égard de cette question demeure « embarrassante ».
« Les disparitions sont souvent une question sensible sur le plan social et politique, mais rien ne saurait justifier l'inaction. Les pouvoirs publics doivent mobiliser la volonté politique nécessaire pour savoir ce qu'il est advenu de ces personnes ».

« Des mesures doivent être prises pour prévenir les disparitions, et lorsqu'elles se produisent, pour collecter autant d'informations que possible, car ces données pourraient un jour aider les familles et les proches à obtenir des réponses », déclare M. Maurer.

De nouveaux modes de sensibilisation

Cette année, le CICR célébrera la Journée internationale des personnes disparues en diffusant une série de films et de rapports provenant du monde entier. Il a également commandé à l'agence PositiveNegatives une bande dessinée racontant l'histoire vécue par une famille de Colombie.

Selon le directeur de cette agence, Benjamin Dix, raconter une histoire visuellement présente l'avantage de s'adresser à des publics de tous âges, de toutes origines et de tous niveaux d'alphabétisation. À l'ère du numérique, il est aussi très facile de partager des bandes dessinées par l'intermédiaire des médias sociaux, en mêlant récits et médias visuels.

Les récits sont adaptés directement d'entretiens menés avec des proches de personnes disparues. Les illustrations sont réalisées à partir des photographies prises au cours d'études de terrain.

« En l'occurrence, nous avons collaboré étroitement avec la délégation du CICR en Colombie, qui a sélectionné trois familles colombiennes avec lesquelles nous pourrions mener un entretien et nous a fait parvenir un aperçu de leurs témoignages. Nous avons ensuite choisi une famille dont le récit ne devait, selon nous, ne laisser personne indifférent au vu des objectifs particuliers de ce projet », précise Dr Dix.

L'histoire est centrée sur la disparition du fils et a été écrite avec la coopération et l'accord de la famille.

C'est une façon originale de sensibiliser au thème des « personnes portées disparues » à partir d'un exemple. Le style de la bande dessinée offre plusieurs avantages, ne serait-ce que celui de préserver l'anonymat au regard d'un sujet qui peut être très sensible. Il présente également d'autres avantages :

« Lorsque nous regardons une photographie ou un film, nous pouvons éprouver de la compassion et de l'empathie à l'égard du sujet, sans toutefois parvenir à nous identifier aux personnes. Dans une bande dessinée, nous sommes face à une illustration et nous nous racontons l'histoire avec nos propres mots. De nombreuses études ont montré que nous réduisons l'altérité d'un personnage de bande dessinée qui livre son témoignage pour avoir de l'empathie envers lui, en nous disant que nous pourrions, nous ou un proche, être à sa place », explique Dr Dix.

Découvrez "L'ombre d'Enrique", notre bande dessinée en collaboration avec les éditions PositiveNegatives.