Article

L’exposition "Suyay" offre un nouveau regard sur les disparus au Pérou

Au Pérou, 20 000 familles sont toujours sans nouvelles de leurs proches portés disparus.

Comment supporter l'angoisse de ne pas savoir ce qui est arrivé à un proche ? La photographe reconnue Laia Abril a voulu mettre en lumière la souffrance, mais aussi la résilience des familles de personnes disparues au Pérou. Ses clichés sont présentés dans l'exposition « Suyay », qui se tiendra au Centre de la Photographie Genève du 7 au 25 novembre 2018. Le mot suyay signifie « attendre » en quechua.

L'attente, mais pas la passivité

Les femmes auxquelles l'exposition rend hommage se mobilisent sans relâche pour élucider le sort de leurs êtres chers. Adelina García en est un excellent exemple : ancienne présidente de l'ANFASEP (Association nationale des familles de séquestrés, détenus et disparus du Pérou), elle recherche son mari depuis la disparition de celui-ci en 1983.

« Trop souvent, seule une petite partie de l'histoire est racontée. C'est pourquoi je tenais à participer à ce projet – pour faire connaître aux gens l'histoire complète, la mienne et celle d'autres femmes aussi », a déclaré Mme García au vernissage de l'exposition.

CC BY-NC-ND / ICRC / Laia Abril

« Je n'aurai pas de repos avant d'avoir retrouvé les restes de mon mari et de les avoir inhumés. Ma mère, par exemple, est enterrée au cimetière. Je vais parfois m'assoir sur sa tombe : je lui parle et lui raconte ce qui m'arrive. Mais avec lui, je ne peux pas le faire. Même le 4 janvier, jour de son anniversaire, je ne peux pas aller lui parler », a raconté Mme García.

« Parfois, aux premières heures du jour, je lui dis : "Qui sait comment tu es mort ? Ce qui est sûr, c'est que tu dois être aux côtés de notre Seigneur. Demande-lui de veiller sur notre fille ; elle aura toujours besoin que tu la guides." »

Il est impossible de connaître aujourd'hui avec certitude le nombre de personnes disparues à la suite d'un conflit armé, sur les routes migratoires ou à cause d'une catastrophe naturelle.

Cette exposition nous rappelle que, même vingt ou trente ans plus tard, le traumatisme perdure au sein des familles et transcende les générations.

L'action du CICR

Les conflits, les autres situations de violence et la migration causent d'innombrables disparitions. Le CICR recherche actuellement quelque 100 000 personnes disparues et soutient des familles comme celle d'Adelina. Aidez-nous à réunir les familles séparées par les conflits et la violence armée.

L'artiste

Laia Abril, née à Barcelone en 1986, est une artiste pluridisciplinaire dont le travail associe la photographie, l'écrit, la vidéo et le son. Déjà lauréate du Tim Hetherington Trust Visionary Award (2018) et du Prix de la photo Madame Figaro (2016), elle est actuellement nominée pour le Prix Elysée.