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Notre action en faveur des détenus

Lors d’un conflit armé ou dans d’autres situations de violence, les personnes placées en détention sont particulièrement vulnérables. Elles peuvent être victimes de disparition forcée, d’exécution extrajudiciaire, de torture ou de mauvais traitements. Elles peuvent être soumises à des conditions de vie indignes ou encore souffrir d’un manque de nourriture, de soins de santé et d’autres services essentiels. Le CICR a pour objectif d’assurer un traitement humain à toutes les personnes privées de liberté, quels que soient les motifs de leur arrestation et de leur détention.

Nous visitons les personnes détenues dans le cadre de conflits armés et d'autres situations de violence pour une raison très simple : garantir qu'elles sont traitées avec humanité. Dans ces périodes sombres, les oppositions et le ressentiment qui nourrissent le conflit débordent souvent dans les lieux de détention et les problématiques de la vie carcérale peuvent se trouver exacerbées.

Les personnes privées de liberté sont vulnérables aux mauvais traitements que peuvent leur infliger leurs gardiens. Leur bien-être dépend entièrement des ressources et des intérêts de ces derniers. De nombreux détenus se morfondent dans des prisons sans savoir combien de temps ils y resteront.

Ils peuvent perdre tout contact avec leurs familles ou être soumis à des conditions de vie inhumaines, notamment lorsque leur accès à la nourriture, à l'eau ou aux soins médicaux est insuffisant.

VIDEO -Pourquoi le CICR travaille-t-il  dans les lieux de détention ?

Notre action a pour but de garantir que les personnes détenues sont traitées conformément aux lois et aux normes internationalement reconnues, ainsi qu'aux principes d'humanité. Nous nous employons en priorité à :

  • prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitements ;
  • prévenir les disparitions et élucider le sort des personnes disparues ;
  • améliorer les conditions de détention (par exemple, en agissant sur les infrastructures, ou l'accès à la nourriture, à l'eau et aux services de santé) ;
  • rétablir et maintenir les contacts avec la famille ;
  • veiller au respect des garanties judiciaires.

En enregistrant mon identité et en faisant savoir à ma famille que j'étais en vie, le CICR a contribué à éviter que je sois tué.

Patricio Bustos, emprisonné en 1975 sous la dictature militaire au Chili

Nous nous efforçons d'atténuer les souffrances des familles, notamment en les aidant à renouer le contact avec leurs proches détenus. Dans certains cas, nous accompagnons aussi d'anciens prisonniers dans leur retour au sein de la société.

Nous portons assistance aux détenus depuis 1870, en particulier aux personnes privées de liberté dans le cadre d'un conflit armé et d'autres situations de violence, comme les prisonniers de guerre et les internés civils. De plus, nous agissons en tant qu'intermédiaire neutre, par exemple afin de faciliter des opérations de libération de grande ampleur.

Lorsque les détenus sont entre les mains de groupes armés non étatiques (voir notre rapport en anglais), nous faisons tout notre possible pour instaurer un dialogue avec ces derniers, afin que les personnes dont elles ont la garde soient traitées avec humanité et bénéficient de tous les droits que leur reconnaissent les lois et les normes internationales en vigueur.

Dès que nous le pouvons, nous rendons également visite aux personnes détenues pour d'autres motifs, et notamment aux plus vulnérables d'entre elles si nous estimons être en mesure d'améliorer leur sort. Nos activités nous amènent aussi auprès de personnes incarcérées qui relèvent de la compétence des cours et des tribunaux internationaux.

Bien que nous accordions une attention particulière aux personnes détenues dans le cadre de conflits armés, certaines de nos interventions – telles que la fourniture d'un soutien technique ou de conseils pour améliorer la gestion d'un lieu de détention, moderniser des cuisines ou rénover le système d'assainissement – bénéficient à l'ensemble de la population carcérale dans les lieux où nous menons nos activités.

Comment travaillons-nous ?

Les visites régulières des lieux de détention sont au cœur de notre action en faveur des personnes privées de liberté. Sur la base de nos constatations, nous remettons des rapports confidentiels aux autorités et discutons avec celles-ci des solutions possibles aux problèmes rencontrés. Lorsque nous le jugeons nécessaire, nous fournissons également une assistance aux détenus.

Au cours de ces visites, les délégués du CICR s'entretiennent sans témoin avec les détenus. Ils relèvent leur identité complète, afin de pouvoir assurer leur suivi au cours des visites ultérieures. Les détenus ont alors l'occasion de parler des problèmes humanitaires auxquels ils peuvent être confrontés et leurs doléances sont relayées aux autorités détentrices si, et seulement si, ils ont au préalable donné leur consentement.

Nous nous abstenons de prendre position sur les raisons ayant conduit à l'arrestation ou à la capture des personnes que nous rencontrons lors de nos visites. En revanche, nous veillons à ce qu'elles bénéficient des garanties judiciaires que leur accorde le droit national et international, comme celles d'être libérées à la fin de leur peine ou de pouvoir être entendues sans délai par un tribunal.

Le CICR nous a distribué des matelas pour que nous n'ayons plus à dormir dans des copeaux. Il a effectué des travaux et maintenant nous avons de l'eau au robinet et le générateur nous fournit de l'électricité.

Kebede, membre du comité de détenus de la prison de Dessie, en Éthiopie

Cinq conditions minimales pour effectuer des visites

Pour pouvoir effectuer des visites aux détenus, le CICR doit :

  1. avoir accès à tous les détenus présents dans le lieu de privation de liberté ;
  2. avoir accès à l'ensemble des locaux et installations utilisés par et pour les détenus ;
  3. être autorisé à renouveler ses visites ;
  4. avoir la possibilité de s'entretenir librement et sans témoin avec les détenus de son choix ;
  5. avoir l'assurance que les autorités lui présenteront une liste exhaustive des détenus relevant de son mandat, ou qu'elles l'autoriseront à dresser cette liste lui-même.

Un examen systémique

Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités détentrices et entretenons un dialogue confidentiel avec celles-ci au sujet de nos constatations. Ce faisant, nous examinons non seulement les cas individuels mais aussi les dysfonctionnements du système qui ont des répercussions sur la santé et le bien-être des détenus. L'objectif de cette approche double est d'aider les autorités étatiques et non étatiques à prendre les mesures nécessaires pour garantir aux détenus des conditions de vie et un traitement humains.

Les mauvais traitements ne découlent pas nécessairement d'une volonté délibérée des autorités détentrices. Souvent, celles-ci ne disposent tout simplement pas des ressources requises pour assurer le bon fonctionnement d'un lieu de détention. Le manque de budget et de personnel a des conséquences désastreuses sur l'accès à la nourriture ou aux soins de santé. L'insécurité parmi les détenus et le personnel pénitentiaire, la malnutrition, les maladies hydriques et les problèmes de santé publique de toutes sortes peuvent alors s'installer de façon durable et devenir difficiles à éradiquer sans une intervention extérieure.

Cependant, qu'ils soient causés de façon intentionnelle ou non, les mauvais traitements doivent cesser.

VIDEO - Madagascar : détention et malnutrition, la double peine

Nous procédons donc à un examen attentif du système de détention, et notamment de la législation, des infrastructures, des pratiques de gestion, de la chaîne alimentaire et de la qualité des soins de santé, afin de pouvoir apporter des conseils éclairés aux autorités.

Les travaux que nous effectuons en faveur des détenus sont fondés sur une évaluation complète de la situation entre les murs et dans l'environnement extérieur. Pour être en mesure d'apporter des solutions concrètes, nos équipes détention sont constituées de délégués protection, d'anciens responsables d'établissements pénitentiaires, de personnels de santé spécialisés, de nutritionnistes, d'ingénieurs, de spécialistes du droit et d'autres experts.

Guillaume Binet CICR/Myop

À partir de notre évaluation et de notre analyse de chaque situation, et en nous appuyant sur notre dialogue avec les autorités détentrices, nous élaborons une stratégie spécifique pour répondre le plus efficacement possible aux besoins des détenus. Nous nous attachons à mettre en œuvre des projets conçus pour remédier aux causes systémiques des problèmes humanitaires identifiés dans les lieux de détention. À mesure que nos travaux avancent, nous réalisons un suivi de notre stratégie et procédons à des ajustements pour garantir que notre action améliore réellement la situation des détenus.

Notre ambition n'est pas de nous substituer aux autorités détentrices mais de les aider à renforcer leur propre capacité à s'acquitter de leur devoir de diligence vis-à-vis des personnes placées sous leur responsabilité.

Les bases juridiques de l'action du CICR dans les lieux de détention

  • Lors d'un conflit armé international, les Conventions de Genève reconnaissent aux délégués du CICR le droit de visiter les prisonniers de guerre et les internés civils. Les empêcher d'accomplir leur mission constitue une violation du droit humanitaire.
  • Lors d'un conflit armé non international, l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève autorise le CICR à offrir ses services aux parties au conflit. De fait, nombre d'entre elles accèdent à notre proposition de visiter les détenus, en partie grâce à la réputation que nous avons acquise, à juste titre, dans ce domaine.
  • Dans les situations qui n'atteignent pas le seuil d'un conflit armé, nous proposons aux belligérants de visiter les détenus en nous appuyant sur les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

De la revue internationale de la Croix-Rouge - Detention : parler du coût humain

Pour en savoir plus, veuillez consulter notre blog sur les activités en faveur des détenus (en anglais)